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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Et ces pauvres types du Massilia 10 qui se sont laissé faireaux pattes... Il n'y a que ce brave André Philip qui a fini par me rejoindre à Londres. Et tous les grands chefs de l'Empire, sauf Catroux, sont restés dans l'obédience de Vichy : Noguès à Rabat, Peyrouton à Tunis, Le Beau à Alger, Boisson à Dakar, Coppet à Madagascar, tous ! Tous ! Catroux lui-même a raté une bonne occasion. Il aurait mieux fait de rallier l'Indochine à la France libre, plutôt que de me rejoindre tout seul. Pourtant, ses cinq étoiles venant se mettre sous les ordres de mes deux étoiles, c'était un coup de main décisif. Il a été loyal de bout en bout. »

    « Aucun n'est resté »
    Notre micheline brinquebalante trébuche sur les aiguillages. Soudain, une explosion. De Gaulle sursaute et me fixe intensément. Dans son regard, passe une lueur d'angoisse. Ses impressions sont plus vives que les miennes : il se rassérène déjà, alors que je n'ai pas eu le temps de m'inquiéter. Ce n'était pas une explosion, mais un mauvais aiguillage. Je suis sûr que, l'espace d'un instant, il a vu la mort. Et il m'a fallu réfléchir pour comprendre que, depuis des mois, il vit sous la menace constante d'un attentat de l'OAS. Il est ensuite tout détendu et souriant.
    Certains sont flegmatiques par défaut. Car, ne sentant pas tout de suite la situation, ils ne mesurent pas le danger. D'autres sont flegmatiques par entraînement. Leur vivacité de perception est compensée par la maîtrise d'eux-mêmes qu'ils ont acquise. De Gaulle est de cette sorte.
    Quelques jours après, j'appris de Roger Frey que le Général avait eu raison de sursauter, et moi tort de rester impassible. On avait découvert, près d'Argenton-sur-Creuse, un appareillage suspect sur la voie ferrée que nous venions d'emprunter. Il était sûrement destiné à déclencher à distance l'explosion d'un engin au passage du train présidentiel. Il n'a pas fonctionné. Frey avait su aussi qu'au cours de ce voyage, un commando OAS dirigé par Blanchy, arrêté depuis lors à Paris, avait pris toutes dispositions pour attenter à la vie du Général (« et en même temps à la nôtre », me dit joyeusement Roger Frey).
    Je reprends : « Vous vous attendiez à d'autres ralliements qui ne sont pas venus ?
    GdG. — Oui. Bien sûr. Des ralliements qui étaient si faciles. L'ambassade de France à Londres : Corbin et une dizaine de diplomates rappelés par Laval après Mers-el-Kébir. » (Il ne dit pas : par Pétain. Il doit penser que ces actes d'administration courante échappaient complètement au « chef de l'État ».)
    « Ils sont partis prendre les eaux à Vichy. Corbin m'a bien dit qu'il était de cœur avec moi, mais il est parti aussi ! Aucun n'estresté ! Un seul d'entre eux m'a rejoint, quand le vent avait tourné, trois ans plus tard 11 , après de bons et loyaux services rendus à Pétain, Laval et Darlan, et après avoir traversé à pied les Pyrénées et l'Espagne, alors qu'il était si simple de rester sur place en juin 1940.

    « Les possédants sont possédés par ce qu'ils possèdent »
    AP. — Et Paul Morand ?
    GdG. — Lui, c'est pire encore ! Laval ne lui demandait même pas de rentrer. Londres et Vichy étaient prêts à accepter le maintien de sa mission économique ; elle pouvait entretenir des liens discrets, tout en ne faisant pas obstacle à ce que les relations diplomatiques soient officiellement rompues... Il est parti par le même bateau que l'ambassade. On ne voulait pourtant pas de lui à Vichy et on lui a tenu rigueur de son abandon de poste.
    « Il était victime des richesses de sa femme, qui était roumaine, comme vous savez. Pour les récupérer, il s'est fait nommer ministre de Vichy à Bucarest. Puis, quand les troupes russes se sont approchées, il a chargé un train entier de tableaux et d'objets d'art et l'a envoyé en Suisse. Il s'est ensuite fait nommer ministre de Vichy à Berne, pour s'occuper du déchargement. (Rire.)
    AP. — Vous pensez que la collaboration et la fortune avaient partie liée ?
    GdG. — Vous ne croyez pas si bien dire ! Ce qui a rendu si rares les Français libres, c'est le fait que tant de Français soient propriétaires. Ils avaient à choisir entre leur propriété — leur petite maison, leur petit jardin, leur petite boutique, leur petit atelier, leur petite ferme, leur petit tas de bouquins ou de bons du Trésor — et la France. Ils ont préféré leur propriété. Quels ont été les premiers

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