C'était De Gaulle - Tome I
l'Allemagne, par rapport à ce qu'il m'avait dit en juillet à l'occasion de la venue d'Adenauer, trois nouveautés.
À propos de la Constitution fédérale :
GdG : « Les Allemands ont une mauvaise Constitution, elle ne permet pas le référendum.
AP. — Chez eux, on a gardé mauvais souvenir des plébiscites de Hitler; comme chez nous, des plébiscites de Napoléon III.
GdG. — Le monde a changé! Aujourd'hui, l'information pénètre dans tous les foyers, les gens sont devenus capables de juger par eux-mêmes ! Tant que les Allemands n'adopteront pas le référendum, ils n'auront pas le sentiment d'être un peuple souverain. »
À propos de l'état de dépendance dans lequel se trouve chacun des deux régimes, celui de Bonn comme celui de Pankow:
GdG : « Les Allemands ont toujours été gouvernés par d'autres. Autrefois, par les Prussiens. Hier, par un Autrichien. Aujourd'hui, par les Américains d'un côté, par les Russes de l'autre. »
À propos de la division de l'Allemagne:
GdG: « La coupure entre l'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest n'est pas naturelle. Elle a été trop brutale. Elle est contraire à la nature des choses. Elle révolte le bon sens. Des familles ont été séparées, des frères et des sœurs ont été éloignés les uns des autres et vivent dans des planètes différentes. Une bonne partie des Allemands sont amputés de leur enfance, de leurs affections.
« L'Allemagne, c'est comme un arbre dont le tronc se diviserait en deux branches, et que l'on fendrait en son milieu pourlaisser chaque branche vivre sa vie. Ça ne pourra pas durer très longtemps. Chacune des deux parties souffre de l'absence de l'autre. Naturellement, la partie orientale en souffre encore plus. Un jour ou l'autre, elle se révoltera.
« Bien sûr, l'intérêt égoïste de la France serait que l'Allemagne reste divisée le plus longtemps possible. Mais ça ne sera pas éternel. Adenauer le croit, il a tort. L'avenir le démentira. La nature des choses sera la plus forte. L'Allemagne se réunira.»
« Même quand on est Œdipe à Colone »
Au Conseil du 12 septembre 1962, Couve a pris la peine de composer sa communication, alors qu'il donne l'impression, d'ordinaire, de démarquer les notes de son cabinet, quand ce n'est pas Le Monde de la veille. Il raconte, avec une chaleur qui ne lui est pas habituelle, le voyage du Général en Allemagne:
« À l'avance, on était assuré du succès, compte tenu des préparatifs des Länder et des villes. Ce qu'on n'avait pas prévu, c'est son ampleur. Cette visite s'est transformée en une manifestation qui n'a pas de précédent dans la République fédérale, ni peut-être dans le monde. L'accueil est allé s'amplifiant, de plus en plus triomphal, de plus en plus ardent, de Bonn à Cologne, puis à Düsseldorf. On nous avait prévenus qu'il se tempérerait quand on monterait vers le Nord, plus tourné vers l'Angleterre. Les autorités socialistes avaient tout fait pour refroidir le public: on n'avait pas pavoisé; les écoles n'avaient pas congé ; il n'y avait pas de haut-parleurs. Or, on a vu un prodigieux déchaînement d'enthousiasme. C'est la télévision qui a provoqué un phénomène de boule de neige.
« Strauss, le ministre de la Défense, et Schroeder, le ministre des Affaires étrangères, se sont très mal conduits. Ils ont commencé par se dérober. Puis ils ont été obligés de suivre, parce qu'il leur fallait bien prendre acte du délire qui avait saisi la population.
« Les Allemands ont été touchés par le contact direct que le Général a créé en s'exprimant dans leur langue. Mais l'essentiel, c'est qu'ils adhèrent en profondeur à la réconciliation franco-allemande et à l'instauration de liens étroits entre les deux pays. C'est une façon d'établir la paix dans les cœurs. La France a toujours exercé sur l'Allemagne un attrait, dû à un complexe d'infériorité et de supériorité à la fois.
« Par-dessus tout, a joué le facteur personnel, tenant à la figure du Président de la République, qui a incarné la résistance française à Hitler pendant la guerre. Il a parlé le langage le plus propre à toucher un peuple qui avait besoin d'être pardonné par l'homme qui pouvait le mieux le faire. Il l'a fait sans flagornerie,en les traitant sur un pied d'égalité, comme partenaires devenus des amis et réhabilités devant l'Histoire.
« Les Allemands ont une économie florissante, mais ils ne sont pas encore
Weitere Kostenlose Bücher