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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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reconstruits moralement. Ils souffrent d'un sentiment collectif de culpabilité. Leur pays est divisé. Le général de Gaulle a tenu le langage qui leur fait toucher du doigt leur avenir, en les encourageant à devenir ce qu'ils aspirent à être: une nation.
    « Il est difficile de trouver des interlocuteurs à Bonn. Adenauer est vieux. Tout le monde ne pense qu'à sa succession. En attendant, il est de bon sens de se concentrer sur ce qui est sûr et désirable, c'est-à-dire les liens entre la France et l'Allemagne. On va donc s'attacher à cette œuvre sur le plan de la diplomatie, de la défense et de l'éducation.
    GdG. — J'ai été pris dans un torrent plus vif et plus violent que je n'avais imaginé. Ce fut général, sans distinction de catégories. Je passe sur ce qu'a dit le ministre des Affaires étrangères à propos de ce qui est dû à la vedette. On peut être une vedette, même quand on est Œdipe à Colone. »
    (Autour de la table, rires hésitants de collègues qui ont compris qu'il s'agissait d'une plaisanterie littéraire, mais s'interrogent sur son sens. À la sortie, Malraux, Broglie et moi confronterons nos interprétations : la pièce de Sophocle, c'est évidemment le portrait du vieux roi près de sa fin, entouré d'honneurs, mais ne pouvant échapper à son destin, qui est de disparaître soudain, foudroyé, au milieu des éclairs. Allusion à l'attentat de l'autre jour, ou à un attentat à venir? Naturellement, c'est un de ces mots qu'il convient de ne pas laisser filtrer. Je n'arrive pas à me défendre de l'idée que l'image du vieil Œdipe lui est venue à Cologne, par un à-peu-près poétique: «Œdipe à Cologne »...)

    « On était dépassé »
    « Mais l'important, poursuit-il, c'est le peuple allemand. Il craint l'anéantissement. Il sait par qui peut venir le danger. D'avance, il en est épouvanté. Cette manifestation de solidarité de la France, pour un pays tendu dans l'inquiétude, leur a été très sensible. Les Allemands ont eu le sentiment — qu'on ne leur avait jamais donné depuis la fin de la guerre — qu'ils sont un peuple, et qui existe par lui-même. Ça les a tout retournés.
    « Ce peuple a la notion romantique qu'il a toujours existé. Il a le culte du passé — Charlemagne, Barberousse, et même Napoléon. Il a un sentiment diffus de l'avenir. Il ne sait pas ce qui va venir. Il ne se sent pas vraiment conduit. Il vit sous des institutions auxquelles il n'adhère guère. Le gouvernement est divisé. Il y a la personnalité exceptionnelle du Chancelier, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle est momentanée et aléatoire. LesAllemands voudraient que leur système change. Ce qui se passe en France leur a donné l'occasion de rendre hommage à une expérience politique qu'ils aimeraient voir se dérouler chez eux. Nous sommes pour eux un exemple à suivre.
    « Il n'y a aucune raison de penser que les Allemands soient disponibles pour l'aventure et le malheur. Ils sont disposés à nous entendre, sinon à nous suivre.
    «Leur politique est incertaine. Les seules certitudes: ils ne veulent pas être envahis; ils veulent l'Europe; mais qu'au sein de l'Europe, entre eux et nous, il y ait quelque chose de singulier. Il y a donc eu un gentlemen's agreement entre le Chancelier et le général de Gaulle. Schroeder et Strauss y ont adhéré avec plus ou moins de bonne grâce.
    «La coopération pratique est à développer entre nous sans aucun doute. Un concert beaucoup plus étroit des diplomaties, pour les rapports Est-Ouest, pour Berlin, pour le Marché commun, pour les relations avec la Grande-Bretagne et autres (il n'a pas dit : pour l'entrée de la Grande-Bretagne), pour les relations avec les pays sous-développés — Afrique et Amérique du Sud.
    « Pour l'éducation, les Allemands voudraient qu'on favorise, de part et d'autre, l'enseignement des deux langues, ce qui serait bien profitable pour la défense du français comme de l'allemand; et surtout, ils ont un immense désir de rapprochement des jeunes, de jumelages, d'échanges de mouvements de jeunesse. On va leur faire des propositions.»
    Un temps de silence; puis, gravement :
    « On ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'on était dépassé. Il y avait là un fait historique, auquel on ne pouvait pas se dérober et qui était clair comme la lumière du jour. »

    « Dépassé» — le même mot qui lui était venu aux lèvres à l'Hôtel de Ville de Paris, le 25 août 1944 : « Il y a là des

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