C'était De Gaulle - Tome I
n'ont pas l'intention de revenir.
«Un reflux massif n'est pas à exclure. Un programme d'urgence est mis au point avec le secours de l'armée. On envisage même un droit de réquisition exorbitant.
Pisani. — Des musulmans, y en a-t-il ?
Boulin. — Très peu, c'est insignifiant.
Messmer. — On compte au total à l'heure actuelle environ 1 100 harkis et 300 moghaznis qui ont manifesté le désir de venir en France, soit moins de 1 500, plus leurs familles. Ils sont dirigés vers le Larzac. Ils seront occupés sur des chantiers forestiers. Il faut les adapter progressivement à un mode de vie totalement différent. »
Après le Conseil, le Général, fermé, me donne instruction de me borner à cette déclaration: «Le gouvernement a évoqué la situation en Algérie, au sujet de laquelle un grand nombre d'informations sont publiées tous les jours. Il n'y a rien de particulier à en dire. Tout cela suit son cours. »
Je lis au Général une dépêche sur un propos fracassant du président du GPRA : « Ben Khedda a déclaré ce matin à Tunis: " Dans certains milieux politiques et militaires français, la complicité avec les ultra-colonialistes apparaît au grand jour. Nous assistons à des manœuvres tendant à saboter les accords d'Évian, en faisant croire à leur révision possible, sous prétexte de donner des garanties supplémentaires aux Européens. Mon gouvernement exclut catégoriquement cette possibilité." Que pensez-vous de cette déclaration?
GdG (bougon). — Ben Khedda dit ce qu'il croit devoir dire.»
Inutile d'insister.
« C'est seulement en septembre ou octobre prochain... »
Au Conseil du 21 juin 1962, Joxe fait une déclaration empreinte d'optimisme. Il annonce le ralliement des éléments européens jusqu'ici les plus hostiles 2 . « Ils répondent à l'appel de Jouhaud et de Salan. Ils s'engagent dans la voie de la réconciliation, en application stricte des accords d'Évian. Ce qui suppose la renonciation à la violence, c'est-à-dire le pardon réciproque, et la participation effective des Européens à tous les organes de la nouvelle République algérienne.
« Ce ralliement est acquis à Alger. Il doit s'étendre à l'Algérie tout entière. Déjà, se multiplient les signes d'un retour à la vie normale. Les attentats meurtriers ont pratiquement cessé; certains Européens, qui avaient été enlevés, ont été libérés. On peut dorénavant penser que l'autodétermination se déroulera dans un climat apaisé. »
Robert Boulin est moins rassurant: «Les départs d'Algérie s'accélèrent, mais ils sont parfaitement artificiels. Il y a des gens qui s'en vont, ne sachant plus qui croire ; et d'autres qu'on incite à partir. Quand les réservations fonctionnent, il n'y a aucune file d'attente. C'est le cas dans l'Algérois, où la situation est bonne. Mais, dans l'Oranais, les compagnies se refusent à faire de la pré-réservation; alors, 6 000 personnes couchent sur les quais, aux abords de l'aérodrome, entassées de nuit et de jour; et pourtant, certains avions ne sont pas pleins.
« La campagne qui pousse à l'exode vient de l'OAS; d'où cette masse extravagante. Certes, on aurait pu évacuer préalablement ceux qui n'ont pas d'emploi, les personnes âgées, les enfants et les femmes. Mais faire partir tant de monde aurait accentué la panique et donc les départs. Il valait mieux essayer au contraire de freiner.»
Le Général ensuite parle sans notes, comme d'ordinaire, mais il s'est visiblement fait donner auparavant les éléments de la synthèse: « Il y a, dans ces retours d'Algérie, deux facteurs très différents.
« D'une part, les retours des gens qui avaient l'habitude de revenir en France. Entre mai et juillet, environ 400 000 Européens traversaient la Méditerranée pour venir passer en métropole les mois les plus chauds. Ces départs commençaient après Pâques et se prolongeaient jusqu'à la fin juillet. Cette année, ces retours saisonniers ont été d'abord ralentis jusque vers le 15 mai, parce que l'organisation clandestine s'y opposait; ensuite, ils ont été accélérés parce que la même organisation a provoqué un mouvement de panique; et aussi parce que, les services d'embarquement en Algérie étant en grève, les réservations ne pouvaient s'effectuer normalement.
« D'autre part, à côté des gens habitués à revenir en France pour l'été, s'est glissée une proportion grandissante de gens qui n'avaient pas coutume de venir en France.
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