C'était De Gaulle - Tome I
contrastés sur la situation en Algérie.
Joxe : «Il n'y a toujours pas de gouvernement. Personne n'a d'autorité sur l'ALN. Pourtant, en dehors de quelques dizaines d'enlèvements, le calme revient. Tout le monde côtoie tout le monde; l'ALN, les forces de l'ordre à la disposition de l'Exécutif provisoire et les soldats français se croisent dans la rue et se disent bonjour gentiment. Ce calme permet le retour des Européens. Les avions de la métropole vers Alger sont à peu près pleins. »
Messmer corrige cet optimisme. Il fait état des appréhensions du général Fourquet, commandant en chef en Algérie: «L'anarchie s'installe. Un peu partout, des chefs locaux apparaissent, qui n'obéissent à personne et qui multiplient contrôles, fouilles en tous genres, exactions, plus particulièrement contre les Européens, mais pas exclusivement contre eux; cet état de choses risque de mal tourner. L'ALN, qui s'installe en Oranie, essaie d'y mettre bon ordre, mais cette situation trouble continue d'entretenir l'exode des Européens, dont 2 500 sont en attente d'un moyen de transport à Mers-el-Kébir.
« Il y a eu beaucoup trop de départs ! »
GdG. — En haut, c'est l'anarchie. Ça se tassera probablement, puisqu'il y a un désir général que ça finisse. Mais, en attendant, on subsiste, la vie reprend et s'organise.
« Pour la France, à part quelques enlèvements, les choses se passent à peu près convenablement. La vie de l'Algérie ne tient toujours qu'à nous, bien entendu: tout ce qui est encadrement ne tient qu'à nous. Nous ne devons pas priver l'Algérie de ses cadres, qui suffisent pour maintenir à peu près tout, mais dont le départ causerait une anarchie beaucoup plus profonde. Il faut donc que l'administration reste; en tout cas, pour l'essentiel.
« Il y a eu des départs. Il y en a eu beaucoup trop. (Il a élevé la voix.) Les fonctionnaires qui sont partis et n'auraient pas dû partir, il faut qu'ils reviennent!
« Il y a trois catégories surtout qui sont indispensables à la vie du pays: 1) les fonctionnaires des finances, qui doivent collecter les impôts et payer les salaires et les factures, sans quoi tout s'écroule; 2) l'Éducation nationale.
Sudreau. — Il y a ambiguïté sur l'absence des professeurs, à cause des vacances.
GdG. — Pour que la rentrée se passe bien, il faut que les enseignants soient à leur poste avant la fin des vacances.
« 3) La santé publique: les hôpitaux sont vides de médecins et de personnel sanitaire. Ce n'est pas acceptable.
Marcellin. — Les médecins privés rentrent en France, puisqu'ils suivent leur clientèle; on devra pourvoir à leur remplacement; mais il faut savoir qu'on risque de ne trouver comme volontaires que des médecins communistes. Quant aux médecins des hôpitaux, ils n'ont pas la vie facile ; les médecins de l'hôpital Mustapha à Alger ont été menacés de mort par une campagne du FLN, parce qu'ils auraient " laissé mourir des enfants ".
GdG. — Malheureusement, beaucoup de médecins européens ont prêté le flanc à ces calomnies en aidant l'OAS. »
Le Général demande que les fonctionnaires qui ont abandonné leur poste en Algérie soient révoqués. Joxe et Pompidou lui démontrent que c'est impossible, mais sans conclure.
Le Général reprend: «S'il y avait des désordres graves, mais heureusement il n'y en a pas eu, on utiliserait les moyens qu'il faudrait. Les CRS, les gendarmes sont bien vus, bien considérés. Il ne faut pas les faire rentrer de sitôt. On verra peut-être au milieu de septembre; mais seulement certains d'entre eux. »
« C'est une substance humaine française, que nous n'avons pas le droit de perdre ! »
Il se préoccupe ensuite des pieds-noirs: «La grande majorité des Européens d'Alger et d'Oran ne vivaient pas vraiment en Algérie, près des Algériens. Ils vivaient sur la côte, entre eux. Ils se transportent à Marseille pour recommencer. C'est impossible! Il faut les obliger à se disperser sur l'ensemble du territoire. Leur répartition et leur emploi exigent des mesures d'autorité!
Pompidou (qui a toujours le réflexe de défendre ses ministres). — M. Boulin et le ministère de l'Intérieur ont très bien travaillé... Pourquoi ne pas demander aux Affaires étrangères de proposer des immigrants aux pays d'Amérique du Sud? Ils représenteraient la France et la culture française.
GdG. — Mais il faut attendre ! Les choses vont se tasser! Tous ces gaillards, plutôt
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