C'était De Gaulle - Tome I
l'Algérie, de tels événements étaient inévitables. L'essentiel est de faire ce que nous pouvons pour la bonne administration du pays et pour la sécurité des gens. Nous devons protéger les vies humaines. Tout le reste, c'est du grenouillage. Nous n'avons en face de nous que des coureurs de portefeuille.
« Veut-on faire une révolution? Pour cela, il faut des révolutionnaires. Il faut Robespierre, Lénine ou Mao. Où sont-ils? Ou bien, veut-on bâtir un État ? Alors, il faut Charlemagne, Richelieu ou Washington. Or, on ne trouve rien de tout ça en Algérie. Seulement des grenouilleurs. Ça va durer encore. Peut-être aussi longtemps que l'Algérie elle-même.
«On peut quand même espérer que ça s'éclaircira peu à peu, parce que la masse immense des Algériens en a assez de toutes ces histoires. Il y a là un élément plutôt rassurant. Mais qui sera Président de la République, Président du Conseil, cela nous est complètement égal. »
Cette expression, appropriée à un groupe de vingt-cinq personnes, est à mi-chemin entre ce que de Gaulle me fait énoncer dans une déclaration publique : «La France n'a pas à s'immiscer dans les choix des Algériens », et ce qu'il me confieensuite en tête à tête: « Qu'ils désignent qui ils voudront, je m'en fous.» Trois formulations, pour trois auditoires.
« Renvoyer en Algérie les fonctionnaires déserteurs»
Triboulet: «Il y a un vide administratif total. Les pouvoirs publics n'embraient pas. Les préfets sont dans une solitude absolue.
Giscard. — Il y a incompatibilité entre le vide administratif et le démarrage de la coopération. Il faudrait pouvoir faire acte d'autorité pour renvoyer en Algérie les fonctionnaires. Mais nous trouverons vite les limites de notre autorité.
GdG. — Quand les gens sont payés, tout va bien. Quand ils ne le sont pas, tout le monde tourne en rond, l'anarchie s'étend. Il faut payer ! Que les payeurs retournent en Algérie!
Pompidou. — Un ministre ne pourrait-il se rendre sur place?
GdG. — Mais non, il ne s'agit pas d'aller inspecter! Tout ça, c'est fini ! Nous avions pris la semaine dernière la décision de renvoyer en Algérie les fonctionnaires déserteurs, tout ce beau monde qui avait fichu le camp comme des lapins. On l'a dit très fermement à la sortie du Conseil. (De Gaulle regarde dans ma direction; pour une fois, son œil n'est pas lourd de reproches.) Puis, je ne sais pas d'où c'est venu, on a dit que ceux qui ne voudraient pas n'y retourneraient pas. D'où c'est venu? C'est inadmissible! Qu'a-t-on fait depuis huit jours? Rien! Pourquoi?
«Les mandats et les chèques marchent mal, les paieries marchent mal, la poste marche mal, les transports marchent mal, tout marche mal.
« L'Algérie, c'est un troupeau. Il a besoin d'être encadré. Il n'y a que nous qui puissions fournir les cadres nécessaires. Les accords d'Évian nous y habilitent. Il faut que nous le fassions, notamment dans les branches essentielles. Il faut prendre la question en main et fermement. Le personnel indispensable des préfectures, des finances, de tous les services publics, il faut qu'il y aille! Il ira si on le lui prescrit ! »
Personne ne dit mot sous l'orage.
« Le terme de rapatriés ne s'applique pas aux musulmans »
Au même Conseil du 25 juillet, Robert Boulin: «Le rythme des départs décroît. Il n'est plus que de 2 000 par jour. Mais c'est toujours fragile. À Marseille, la bourse des emplois propose des emplois au nord de la Loire. Cependant, la plupart des repliés qui sont à Marseille ne tiennent pas à travailler. (Les repliés : malgré le titre de son secrétariat d'État, il reprend le vocabulairedu Général.) Sur 1200 emplois salariés offerts, 18 ont été acceptés.
GdG. — Systématiquement, il faut refuser les prestations dans les départements côtiers.
Boulin. — C'est ce que nous faisons. À ceux qui opposent deux refus, nous coupons les prestations. On va vers 500 000 arrivants, dont 150 000 chefs de famille.
GdG. — Combien de gens paraissent disposés à repartir en Algérie?
Boulin. — On en a déjà accueilli 400 000. La plupart attendent septembre pour se déterminer. On ne peut encore rien dire.
GdG. — Il faudra être prêt à faire face en septembre. Le pire n'est pas toujours sûr.»
Boulin explique qu'il a passé une convention avec IBM. Ainsi seront évités les inscriptions multiples et les doubles emplois.
GdG: «Enfin, on va y comprendre quelque chose.
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