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C'était De Gaulle - Tome I

C'était De Gaulle - Tome I

Titel: C'était De Gaulle - Tome I Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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l'opposition lui reproche précisément d'avoir usurpé le pouvoir avec l'aide des militaires d'Alger. On est au cœur du malentendu.

    Sitôt revenu à Matignon, j'annonce à Olivier Guichard ce qu'il entendra le soir même. Il me regarde, imperturbable commed'habitude, avec son sourire débonnaire: «Il ne manque pas d'air!»
    J'étais décidé à en savoir plus: « Olivier, ce que dit le Général à tous les Français vous contraint à en dire un peu plus à celui qui est censé les informer et qui est si mal informé. Vous animiez l'antenne gaulliste de Paris en vous appuyant sur Debré, Foccart, Ribière, Bénouville. Pendant ce temps, Soustelle et Frey, qui avaient rejoint Delbecque et Neuwirth, animaient l'antenne gaulliste d'Alger. Vous avez fait ensemble de l' agit prop. Sachant que toutes les communications téléphoniques étaient écoutées, vous avez envoyé deux messagers, qui ont fait plusieurs fois le trajet: Arlette de La Loyère 4 et Christian de La Malène 5 .
    « Vous avez fait croire aux militaires que le Général voulait qu'on envoie les paras, alors qu'il n'était même pas au courant de ce que vous annonciez en son nom. Vous avez fait une formidable "intox" qui a réussi. Ça aurait pu tourner mal.
    Guichard. — Chacun son boulot. Le destin m'avait mis à cette place. Ce n'était pas son affaire, c'était la mienne. Et il n'avait pas à le savoir. »
    Ce fut sans doute un des malentendus les plus féconds de l'histoire de France. Les militaires, s'étant alors tirés le mieux possible du mauvais pas où ils s'étaient mis, ne retinrent pas sur le moment l'idée qu'ils avaient été dupés.
    Le Général a-t-il su, depuis lors, l'exacte vérité ? Je ne crois pas. C'est resté, envers le chef de l'État, un secret d'État. Il se doutait un peu, quand même, qu'Olivier Guichard s'était beaucoup avancé en son nom; et sans doute lui en a-t-il voulu. Guichard, au contraire, était fondé à penser que le Général lui devait d'être arrivé au pouvoir et que, par sa discrétion, il lui avait permis de recevoir le pouvoir des mains de la représentation nationale le plus légalement du monde, sans avoir trempé, si peu que ce soit, dans le complot qui avait fait plier la IV e République.
    Olivier Guichard reprend: «Nous étions là pour le faire revenir. Et, du fait que Pompidou ne voulait pas s'en mêler, j'étais celui qui était censé parler en son nom.
    AP. — Le Général ne devait pas le savoir, ou ne voulait pas le savoir?
    Guichard. — C'était la frange d'incertitude dont il entourait tous ses actes aux moments décisifs. Il nous a laissés faire, tout en ignorant ce que nous faisions. Il a donné de vagues encouragements au général Dulac 6 , qui est venu vérifier à Colombey les instructions que nous donnions en son nom; tout en lui adressant de vagues mises en garde. Il a joué superbement de l'exaltation d'Alger, de la panique de Paris et de la volonté des Français d'en finir avec la IV e . C'était du grand art ; et, aujourd'hui, il s'offre, en prime, le luxe de nous dénoncer.»
    Telle fut la version donnée par le Général du 13 Mai et de son retour au pouvoir. Celle, du moins, qu'il présenta ce jour-là. Mais en a-t-il jamais présenté d'autre? Bien qu'on en ait avancé de fort différentes, je n'en ai jamais entendu qui ait pu infirmer celle-là.
    En tout cas, en cette année du «tournant capital », le Général tenait à marquer, pour l'Histoire, qu'il avait tout ignoré du 13 Mai, qu'il ne s'était mis à la disposition de la Nation que lorsqu'il avait constaté l'impuissance du « régime exclusif des partis» à réduire un putsch, et qu'il tenait seulement son pouvoir de la légalité parlementaire et de la légitimité populaire.
    1 Xavier de Lignac, dit Jean Chauveau, journaliste à la RTF, était, avant les diplomates Gilbert Pérol (1963-1967) et Pierre-Louis Blanc (1967-1969), chef du service de presse au cabinet de l'Élysée.
    2 Rares ont été ceux, comme Pierre Avril (dans La V e République, Histoire politique et constitutionnelle, Paris, PUF, 1987, p. 64), qui avaient remarqué que la conférence de presse du 11 avril 1961 annonçait cette réforme à mots couverts: «Le mode de désignation du chef de l'État a quelque chose d'inadéquat... » Il faudra «renforcer l'équation personnelle de (son) successeur ».
    3 Félix Gaillard, président du Conseil renversé depuis un mois, mais expédiant les affaires courantes jusqu'à l'investiture de son

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