C'était de Gaulle - Tome II
nécessité pour nos six Etats de se réunir réellement »
Conseil du 16 décembre 1964.
Les négociations de Bruxelles à propos du prix des céréales ont finalement abouti, et dans les délais. Couve en fait le récit détaillé.
Giscard: « Il ne faut pas croire que ces décisions vont alléger le budget français. Le revenu céréalier va connaître une revalorisation importante dans des conditions beaucoup moins onéreuses, mais nos charges seront maintenues.
Pompidou. — Je me félicite de cet aboutissement: les représentants du gouvernement ont remporté un succès. Je n'ai pas besoin de dire à quoi cela est dû. (Évidemment : à de Gaulle, à sa fermeté, à ses menaces. Mais ce serait vulgaire de le dire.)
GdG. — Nous remercions les trois négociateurs 1 et leurs collaborateurs, dont la capacité a impressionné tout le monde. Ce n'est pas une mince contribution.
« Ce n'est pas fini: il y a des règlements à faire sur différents produits et surtout le règlement financier 2 ; tant qu'il n'est pas adopté, rien de définitif n'est obtenu. Mais la question des céréales était décisive; et peut-être la plus difficile, étant donné les intérêts.
« Cette position a été prise par les gouvernements, et non par la Commission. Les sacrifices financiers ont été consentis par les gouvernements, et non par la Commission. C'est un succès desgouvernements, et non de la Commission. Si on n'avait écouté que la Commission, les Anglais en seraient toujours à négocier, les Allemands auraient pris des positions dilatoires et on n'aurait jamais respecté les dates.
« Il y a pour la France quelques sacrifices à consentir, mais elle a surtout des bénéfices à tirer de cet arrangement. Il faut que les agriculteurs s'organisent de manière à en profiter, qu'ils améliorent leur production, leur présentation, leurs circuits.
« Question politique: le fait d'organiser peu à peu l'unité économique est un pas en avant qui peut contribuer à faire admettre la nécessité pour nos six États d'Europe occidentale de se réunir réellement. Je ne parle pas des billevesées que nous savons, mais d'une politique réellement commune, comme nous aurons une économie réellement commune. »
Après tant de sombres scénarios, le voilà qui, saisissant l'éclaircie, lance à nouveau l'esquif de l'Europe politique.
« Ça n'a pu aboutir que grâce aux États »
Après le Conseil, il me précise le sens à donner à mes commentaires.
GdG : « C'est bien, mais l'essentiel reste à faire. Il reste à fixer les prix les plus importants, la viande, les produits laitiers, le sucre, les oléagineux, et, par-dessus tout, à adopter le règlement financier, qui est la clef de voûte de tout l'ensemble. Soulignez ça, pour tenir en haleine nos partenaires. Dites que le chef de l'État et le gouvernement ont constaté que c'est l'effort conjugué des six États qui a permis l'aboutissement. La Commission de Bruxelles y a contribué de la manière la plus brillante par son travail technique. Couvrez-la de fleurs, mais marquez bien que les responsabilités sont seulement du côté des États. Enfin, vous pourrez dire que j'ai exprimé le souhait que le même état d'esprit se manifeste pour construire l'Europe politique, qui ne peut pas se faire d'une autre façon, c'est-à-dire par les États.
AP. — Peut-être qu'il ne faudrait pas trop donner l'impression que nous voulons remettre la Commission à sa place
GdG. — Et pourquoi non? Il faut souligner que ce sont les États qui détiennent le pouvoir de décider; que les intérêts, ce sont les intérêts des États ; que les responsabilités, ce sont les responsabilités des États. Ça n'a pu aboutir que grâce aux États. N'oubliez pas de finir par un couplet sur l'Europe politique.
AP. — Je dis en passant ce qu'a souligné Giscard, à savoir qu'il ne faut pas croire que ça va alléger le budget français?
GdG. — Mais non! Ce sont des histoires de ministres des Finances. Les charges de l'État français vont être diminuées quand même. On va augmenter tant soit peu le prix du blé et même le prixde l'orge en France. Pas tant que ça d'ailleurs, d'après mes calculs, ça va faire 7 ou 8 %. Les canards prétendent que ça va faire 15 %, mais c'est pas vrai. Seulement, les avantages énormes que l'État payait à l'agriculture, et qui s'appelaient le quantum, la subvention par le FORMA, la vente à fonds perdus de ses excédents, l'État ne les
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