C'était de Gaulle - Tome II
position stratégique. Pour les États-Unis plus que pour nous, le problème est de ne pas rompre avec Formose. »
Habib-Deloncle : « C'est grave, à cause de l'activisme de la Chine en Afrique. Attention à l'Union africaine et malgache !
GdG (déminant sans attendre cette objection qui ne manquerait pas de se répéter). — Pour les États africains qui nous sont liés, il serait embêtant qu'ils en viennent un jour à faire entrer la Chine à l'ONU sans nous.
Frey. — 1. Le désaccord entre l'URSS et la Chine me paraît faire partie d'un vaste plan et même d'une comédie, pour réintroduire la Chine dans le monde libre.
« 2. Quel intérêt réel pouvons-nous attendre de cette reconnaissance ? Je vois beaucoup d'inconvénients en politique intérieure, si les maoïstes contaminent le pays, mais je ne vois vraiment pas les avantages pour notre politique extérieure et notre économie.
GdG (laissant fuser son ironie). — Je voudrais bien savoir quelles sont vos sources ! Alors, le désaccord entre la Chine et la Russie, c'est du chiqué ? Je suis inquiet pour vos services de renseignement. Les Russes ont bel et bien évacué la Chine. Ils ont rapatrié leurs ingénieurs, leurs techniciens ; ils ne font plus rien pour les Chinois depuis quatre ou cinq ans. Où voyez-vous une mise en scène ?
« La Chine est une énorme chose »
« D'autre part, les dirigeants chinois sont inébranlables depuis quinze ans, ils se manifestent partout et avec activisme. La Chine est une énorme chose, elle est là, elle existe. Vivre comme si elle n'existait pas, c'est irréaliste.
« Sur le plan intérieur, la sagesse est de faire au-dehors ce que l'on doit pour bien servir l'intérêt national.
Joxe. — Voilà une vraie politique. C'est notre intérêt politique et économique de développer les rapports avec la Chine. »
Le Général coupe ce lyrisme : « Économique ? (Sa main droite se soulève pesamment.) Les Chinois n'ont pas le sou. »
Joxe ne se laisse pas démonter : « Les Chinois disposent d'une puissance d'agitation mondiale. Ils se promènent un peu partout. Là où ils sont, il est préférable qu'ils s'y trouvent dans des conditions régulières, contractuelles et contrôlées, plutôt que dans des conditions subversives... Il y aura une grande crise d'indignation aux États-Unis. Du côté soviétique, il n'y aura pas de difficulté, mais une négociation.
Fouchet (enthousiaste). — C'est une grande politique, celle de l' alliance de François I er avec le Grand Turc : l'allié de revers, si différent de nous soit-il. Mais nous courons un risque, celui d'être coincés entre notre appartenance à la race blanche et notre attirance pour le tiers-monde. »
Giscard ne prend pas la parole. Comme au bridge, il « passe ». Parce qu'il a tenu la vedette pendant la première partie du Conseil, consacrée au plan de stabilisation ? Ou parce qu' il veut se donner le temps de réfléchir ? Il envoie à Marcellin un petit papier.
Marcellin : « Quelles seront les conséquences pour l' OTAN ? Nous avions demandé à avoir une politique mondiale commune. Quel effet aura notre politique dans le contexte général ? (Ça m'étonnerait que Marcellin ait élaboré spontanément ces questions.)
GdG. — Si nous reconnaissons la Chine, il n'est pas exclu que les États-Unis comprennent enfin qu'ils auront avantage à associer l'OTAN à une stratégie mondiale. (Cette réponse, si avenante pour l'OTAN et pour les Etats-Unis, et à laquelle il ne m'a guère habitué, est évidemment formulée à destination de Marcellin et de ses amis.)
Malraux (énigmatique à son ordinaire). — Les États-Unis, aucune importance. Mais il y a malentendu sur la question posée. Pourquoi voulez-vous reconnaître la Chine ? Pour parler. Pour parler de quoi ? Nous assistons à la naissance de la troisième puissance nucléaire en dehors des deux grands. Les conséquences de ce phénomène, le plus important depuis vingt ans, sont devant nous.
« Le plus grand pays du monde souhaite avoir des relations avec la France »
Dumas. — L'URSS ne nous obligera-t-elle pas à reconnaître l'Allemagne de l'Est si nous reconnaissons la Chine ? Et ne serons-nous pas amenés à parrainer l'entrée de la Chine populaire à l' ONU ?
GdG. — La Chine est le plus grand pays du monde ; l'Allemagne de l'Est ne compte pas. L'ONU ? De toute façon, la Chine y entrera. Peu à peu, l'ONU votera pour elle. Elle ne déparera pas la collection 1 . Si elle
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