C'était de Gaulle - Tome II
indiens ? Convergence de vues ?
GdG. — Faut pas exagérer, il y a tout de même pas mal de différences. En réalité, les Indiens sont des rêveurs, voyez-vous. Et puis, l'Inde ne représente rien. Alors, dites-en le moins possible. »
Le Général, comme il aime le faire, me prend à contre-pied. Je m'attendais à ce qu'il exalte le voyage de Joxe. Il est prudentissime. La Chine et l'Inde sont chien et chat. Il ne veut pas prendre le risque d'inquiéter Pékin.
« Plus les Américains s'engageront, plus le côté colonial de cette guerre apparaîtra »
Conseil du 10 juin 1964.
GdG : « J' ai vu Ball. Les Américains flottent entre guerre et paix. Ils envisagent la guerre, mais ils devinent qu'elle pourrait avoir des conséquences mondiales énormes. »
Après le Conseil, le Général me répète le refrain qu'il souhaite me voir répercuter, ou susurrer, aux journalistes :
« On ne peut pas mater une pareille subversion. Plus les Américains s'engageront, plus l'aspect colonial de cette guerre apparaîtra et suscitera l'hostilité des populations. Il n'est pas possible de la gagner. Il est possible seulement de la perdre. La seule solution, c'est donc de négocier avec la Chine et le Nord-Vietnam. C'est une entreprise difficile ; on ne prétend pas régler le problème pour l'éternité. Mais il est sans doute possible de le régler pratiquement.
« Les Américains voudraient vaincre, et cependant ils n'y arrivent pas. Ils n'excluent pas une négociation, mais ils ne s'y résolvent pas non plus. D'ici les élections, ils ne choisiront aucune voie. Ainsi vont les démocraties. »
« Ne revenez pas sur le Vietnam, il n'y a qu'à triompher silencieusement »
Au Conseil du 26 août 1964, Couve : « Le général Khanh a été écarté. On savait qu'il ne représentait pas grand-chose. Ce qu'on ne savait pas, c'est qu'il ne représentait rien, en dehors des Américains ; même pas l'armée. C'est précisément l'armée qui l'a contraint à démissionner. »
Après le Conseil.
AP : « Souhaitez-vous que je revienne sur les points évoqués par Couve?
GdG. — Ne revenez pas sur le Vietnam, il n'y a qu'à triompher silencieusement.
AP. — La détérioration de la situation au Vietnam confirme...
GdG. — Non. C'est trop évident. Alors, ne le dites pas.
AP. — Vous croyez que le général Khanh va être remplacé par un autre général-marionnette ?
GdG. — Ils vont retourner sans doute au général Minh, qu'ils avaient mis au rancart. Minh leur avait paru insuffisamment docile, alors ils l'avaient écarté. Ils n'en sortiront pas, c'est cuit pour eux, c'est réglé, même s'ils mettent cinq ans à s'en apercevoir.
AP. — Pourquoi cinq ans ? Ils le feront le lendemain des élections de novembre ?
GdG. — Je ne sais pas ce qu'ils vont faire. Ils sont dans une très mauvaise situation. D'ici là, ils essaieront de le dissimuler. Mais en fait, tôt ou tard, ils seront mis complètement à la porte du Vietnam, c'est évident. »
Au Conseil du 2 septembre 1964, Couve, puis Pompidou, évoquent les complications laotiennes des « trois princes ». Le Général balaie ces subtilités :
GdG : « Les réalités, ce sont les puissances. Il y a deux puissances qui s'affrontent : les États-Unis d'un côté, la Chine de l'autre, à laquelle était annexé le Vietminh. Il n'y a pas d'autre possibilité de paix qu'une conférence où la Chine et les États-Unis consentent solennellement à ne plus intervenir. Une fois qu'ils y auront consenti, ce sera la paix. Tant qu'ils n'y auront pas consenti, il y aura une pagaille lamentable et sans issue.
« Qui a pris l'initiative d'intervenir au Vietnam Sud? Il n'y a pas de doute : ce sont les Américains. Le Vietcong n'est venu qu'ensuite. Les Américains sont responsables de leur propre malheur.
« Il n'y a pas d'autre solution que la neutralité internationale, parce que la seule réalité, ce sont les puissances. Il n'y aura pas de paix tant qu'on ne s'en sera pas rendu compte. Et puis c'est tout. »
Après le Conseil.
GdG : « Est-ce que, oui ou non, les Américains d'une part, les Chinois de l'autre, accepteront de mettre un terme à leur intervention directe? Il est possible qu'ils le veuillent. S'ils renoncent à leur intervention, il n'y a plus de guerre en Asie du Sud-Est. Les Chinois disent qu'ils sont prêts, mais avec des préalables. De même, les Américains. Ce qui signifie qu'ils ne veulent pas. »
« J'ai fait ce que j'ai pu. Si les
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