C'était de Gaulle - Tome II
Mais l'engagement américain retarde la « catastrophe » sans pouvoir l'éviter : il annonce dix ans.
Dix ans plus tard, à quelques jours près, le 30 avril 1975, les Américains ont dû quitter Saigon en catastrophe.
Après le Conseil.
GdG : « Johnson a fait un discours, mais en même temps, il bombarde, alors, c'est du chiqué. »
« Ils sont habitués aux cataclysmes, aux famines, aux hécatombes »
Salon doré, 28 avril 1965.
AP : « Raymond Aron écrit dans Le Figaro que les bombardements américains sur le Nord-Vietnam ne peuvent pas se comparer avec Sakiet, parce qu'à Sakiet nous étions trop faibles, donc nous ne pouvions pas gagner ; tandis que les Américains sont tellement plus puissants, qu'ils vont gagner.
GdG. — Pour Raymond Aron, comme pour Le Figaro, ce sont nécessairement les Américains qui ont raison.
AP. — Les Américains vont peut-être détruire les bases nucléaires chinoises?
GdG. — Ils ne détruiront rien du tout ! La force nucléaire chinoise, ce n'est pas encore grand-chose. Ils ont fait un Saclay et, si on le leur détruisait, ils le feraient souterrain. Et dans ce cas-là, les Russes leur refileront encore un peu de plutonium.
« En fait, à moins d'employer toutes les bombes et de détruire la moitié des Chinois, on ne peut pas faire grand-chose aux Chinois. Les Chinois sont le seul peuple au monde qui n'ait rien à craindre de la bombe atomique. Ils sont trop nombreux! La Chine est la seule puissance nucléaire qui puisse se permettre l'affrontement atomique. Pour les quatre autres, ce serait un suicide. Ils seraient rayés de la carte. Alors que la Chine, avec 80 % de sa population dans les campagnes et une formidable démographie, elle rattraperait en uneou deux générations les pertes qu'elle aurait essuyées ; son assaillant, lui, ne se relèverait jamais des blessures qu'il aurait subies.
« Et puis, la structure économique et administrative de ces pays-là est telle que, si on en tue des millions quelque part, la vie de ces pauvres diables dans le reste du pays n'est changée en rien. Ils se contentent de manger le riz qui est sous leurs pieds.
« C'est comme quand ils avaient des épidémies, ça ne les empêchait pas de se multiplier ; ou quand les fleuves débordaient et les noyaient. Ils refaisaient du riz et des gosses l'année d'après. Ils sont habitués aux cataclysmes, aux famines, aux hécatombes. Ça fait leur force. Les peuples sous-développés, c'est insaisissable. C'est comme ça qu'il faut les considérer, et qu'ils se considèrent eux-mêmes.
AP. — L'opinion mondiale envers les Américains se dégrade.
GdG. — Même l'opinion américaine, forcément, finira par trouver que ça suffit comme ça, d'autant plus qu'il faut envoyer des boys. Vous savez, tant qu' on ne fait qu'envoyer des avions sans pilotes pour faire pleuvoir des bombes au napalm, ça ne gêne personne aux États-Unis. Mais quand on envoie des milliers de boys, alors ça commence à se sentir. Et quand les cercueils reviendront, ça fera mal. Et puis alors, ça va se conjuguer avec leurs histoires de Noirs, avec l'affaire du dollar, tout ça fera un contexte de mécontentements qui ira s'accroissant avec leur sale guerre.
« Dans l'ensemble du monde, leur perte de prestige est énorme. Après 45, ils avaient une position morale très confortable. Ils étaient opposés au colonialisme. Alors, ils tapaient sur ceux qui étaient engagés dans des conflits coloniaux en Afrique ou en Asie. Alors, eux aussi, ils se sont engagés, en Corée ; par bonheur pour eux, sous le couvert de l'ONU, ça leur facilitait les choses. Maintenant, je les défie de faire engager l'ONU avec eux pour le Vietnam. Ils sont engagés tout seuls. Ils vont déguster. »
« Le Vietcong veut avoir les Américains jusqu'au trognon »
Après le Conseil du 23 juin 1965, le Général me déclare : « Les Américains s'engagent comme des hurluberlus. Ensuite, ils ne savent pas comment partir. Ça recommence chaque fois. Cuba, Saint-Domingue. Quant au Vietnam, ils sont certainement très embêtés, mais ils s'engagent de plus en plus. Forcément. C'est inévitable. Alors ils me disent, comme Humphrey, par exemple : "Nous en sommes maintenant au point où vous auriez voulu que nous soyons il y a deux ans, c'est-à-dire que nous sommes disposés à une conférence à laquelle tout le monde participerait." Ben, je réponds : "Oui, mais maintenant, il est trop tard. Il est trop tard pour vous et il est trop
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