C'était de Gaulle - Tome II
dizaines d'années, les Français ont pris peu à peu l'habitude de baisser les yeux, de s'excuser, de demander pardon. Redressons-nous ! Il faut donner l'habitude au monde entier d'une France qui a la tête haute ! Elle sait ce qu'elle veut! Elle n'attend pas la permission des autres pour décider ce qu'elle a à faire, ni pour le faire! »
« Le fédérateur de tous ces pays disparates, c'est l'hostilité envers les Etats-Unis »
Au Conseil du 13 août 1963, Fouchet : « J'ai représenté le général de Gaulle au Pérou pour l'intronisation du nouveau Président Belaunde Terry. Les dirigeants péruviens sont tous francisés ; Belaunde Terry a fait des études d'architecte à Paris. Ils se tournent vers la France.
« Le Président de la République, le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères demandent l'aide technique et culturelle de la France. De Gaulle, m' ont-ils dit, est " le Lider Maximo de la civilisation latine ".
« Le nationalisme particulier à chaque nation l'emporte sur le nationalisme général de l'Amérique latine, mais toutes ensemble ont en commun de détester les Américains, les gringos.
« Je me suis rendu ensuite à Mexico, comme vous m'y aviez engagé. Lopez Mateos est encore dans l'enthousiasme de la réception qu'il a reçue à Paris. Le Mexique, très ambitieux, s'estime lider de toute l'Amérique latine. Entre le système aristocratique péruvien et la dictature marxiste de Fidel Castro, il a trouvé un socialisme digne.
« Mes interlocuteurs ont peur d'un nouveau Yalta, qui serait cette fois un partage du monde, avec domination des Soviétiques sur l'Europe et des Américains sur l'Amérique latine, le Pacifique et l'Asie. Ils souhaitent ardemment que la civilisation latine, à l'appel de son Lider Maximo, c'est-à-dire vous, s'unisse pour y faire obstacle.
GdG. — Votre communication était du plus haut intérêt. » Degré rarement atteint dans la louange. Il se contente d'ajouter : « Le fédérateur de tous ces pays disparates, c'est l'hostilité envers les États-Unis. »
« La meilleure façon de bâtir l'Europe, c'est que les Européens bâtissent ensemble hors d'Europe »
Salon doré, 22 janvier 1964.
GdG : « L'Amérique latine est un centre névralgique. C'est là que nous pouvons le mieux agir pour éviter la révolution, qui résulterait inévitablement de la haine que les populations éprouvent à l'égard des Yankees. C'est là que je ferai deux voyages cette année, l'un au Mexique en mars, l'autre en automne, en Argentine, au Brésil, au Pérou.
AP. — Le Brésil aussi ? Malgré la guerre de la langouste ?
GdG. — Oui, mais ne le dites pas. Nous attendions que le Président Goulart nous exprime ses regrets. Ça va être fait : il ne souhaitait pas nous voir passer au large de ses côtes sans faire escale. »
Salon doré, 29 janvier 1964.
AP : « Votre voyage pourrait cristalliser dans le tiers-monde les aspirations à l'indépendance vis-à-vis des Américains.
GdG. — C'est possible. D'autre part, ils ont besoin de ce que leur donnent les Américains. Et puis les Américains, depuis longtemps, achètent l'essentiel de leur production, quitte à la revendre avec d'énormes bénéfices.
AP. - Vous ouvrez une brèche dans la doctrine de Monroe : "L'Amérique aux Américains" ?
GdG. — Certainement. Oui, mais ça, Kennedy lui-même n'y était pas hostile. (Il me l'a déjà dit l'an dernier 4 .) Il sentait qu'il faut agir pour éviter la révolution. Quand il était venu ici, il m'avait dit : "Il faut que l'Europe et en particulier la France, vous preniez place en Amérique latine ; c'est très lourd." Seulement, il aurait bien voulu que ce soit sous sa bannière. »
Salon doré, 18 février 1964.
AP: «Cette idée d'une coopération franco-allemande en Amérique latine, c'est pour faire bien, ou ça pourra être efficace ?
GdG. — D'abord, ça fait pas mal dans le tableau. Nous avons des entreprises ; il s'en créera de nouvelles. Les Allemands, pour les exportations, sont beaucoup plus avancés que nous. Alors, il est logique de se concerter, pour que les uns fassent ceci et que les autres fassent cela. Avec eux, nous avons mieux à faire que de nous manger la laine sur le dos.
AP. — Seulement, Erhard n'a pas l'air disposé à sortir un sou.
GdG. — Ça ne fait rien. Un gouvernement, par les temps qui courent, peut faire beaucoup pour déterminer les entreprises privées à faire quelque chose, ou au contraire pour les en
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