C'était de Gaulle - Tome II
tard pour les autres. Parce qu'on ne peut pas faire une conférence dans ces conditions." Les Américains ont laissé passer l'heure.
AP. — Les Américains sont prêts à accepter le Vietcong.
GdG. — Oui. Mais le Vietcong veut avoir les Américains jusqu'au trognon. Ils veulent tous que les Américains soient battus. Et c'est comme ça que ça va finir. »
Au Conseil du 1 er juillet 1965, Couve annonce la « rupture de nos relations diplomatiques avec le prétendu gouvernement de Saigon.
GdG. — Tout ça est un enfantillage sinistre. »
« Ça finira par être insupportable, même à l'intérieur des États-Unis »
Salon doré, 13 juillet 1965.
GdG : « Le piège s'est refermé sur eux. Ça va devenir de plus en plus dramatique. Jusqu'au jour où les Américains en auront assez. Ce jour viendra. Mais enfin, ils n'en ont pas encore assez. Ils peuvent endurer ça, et même bien davantage encore, pendant très longtemps. Ils en ont les moyens.
« Mais ça les fait mal venir dans le monde (encore un archaïsme bizarre). Ça diminue leur prestige, leur standing (il prononce dingue). Peu à peu, tout ça agira forcément sur l'opinion américaine, qui finira par lâcher. Mais pas tout de suite. Ils peuvent tenir très longtemps. »
Ils tiendront, de plus en plus mal, les dix ans annoncés, jusqu'à la catastrophe annoncée.
L'AMÉRIQUE LATINE
1 Après une première attaque sur Dong-Hoï le 7 février 1965, les Américains commencent le 28 des bombardements aériens systématiques sur le Nord-Vietnam.
2 Le Vietcong s'est organisé en Front national de libération : il ne se pose plus en parti communiste, mais en rassemblement national, en gouvernement de substitution.
3 Voir supra, p. 498.
Chapitre 16
« ON NE PEUT LAISSER TOMBER L'AMÉRIQUE LATINE »
Salon doré, 16 janvier 1963.
AP : « Parmi les sujets que vous m'aviez annoncés pour votre conférence de presse, vous n'avez pas traité de l'Amérique latine.
GdG. — L'Amérique latine est une réalité qui va apparaître de plus en plus. On ne peut laisser tomber ce continent ni dans la misère, ni dans la révolution, ni dans la dépendance des Américains...
« Offroy 1 a été envoyé au Mexique pour sonder les Mexicains sur un projet de voyage de De Gaulle. Il faut que cette visite, qui sera la première en Amérique latine, soit un succès. C'est elle qui donnera le ton. Les Mexicains nous promettent un triomphe. Mais ils ont demandé trois contreparties. D'abord, que leur Président soit invité à une visite officielle en France. Naturellement, c'est ce que nous allons faire 2 . Ensuite, ils voudraient des crédits ; nous leur en donnerons. Enfin, ils voudraient que nous leur rendions trois drapeaux que la Légion avait capturés pendant la guerre du Mexique. C'est le plus difficile. Je n'aime pas rendre des trophées que notre armée a arrachés au combat. Vous voyez de Gaulle arriver à Mexico avec des drapeaux dans ses valises ? Impossible. »
La religion du drapeau ne fait pas partie de ce « folklore » dont il veut débarrasser l'armée. On meurt pour défendre ou ravir un drapeau. Rendre ceux qu'on a conquis n'est pas un geste anodin. Le Général a trop souffert de devoir amener nos couleurs en Algérie, fût-ce au nom de l'intérêt national, pour traiter à la légère cette revendication des Mexicains.
Salon doré, 24 janvier 1963.
J'interroge à nouveau le Général sur l'Amérique latine.
GdG : « Voilà un grand sujet. De quel côté va-t-elle se tourner? Comment va-t-elle s'organiser pour vivre? Avec quel appui va-t-elle pouvoir se développer?
« Son malaise a éclaté au grand jour, lors de l'affrontement des États-Unis et de la Russie à propos de Cuba. Elle étouffe dans son système d'Ancien Régime, dans ses grandes propriétés terriennes, dans ses dictatures militaires, dans son capitalisme où la misèrecôtoie l'opulence. Il lui faut évoluer. La tentation est grande pour elle de le faire sous l'influence du communisme.
« L'Amérique latine déteste les Américains... C'est une magnifique carte à jouer »
« Elle déteste les Américains. Elle désire ardemment échapper à leur hégémonie, et en même temps aux risques que comporteraient la subversion et encore plus l'appel à la Russie ou à la Chine.
« C'est donc un lieu privilégié pour l'action européenne. Je vais m' efforcer, dans les prochains mois, de développer la coopération franco-allemande dans ce domaine et également de nous
Weitere Kostenlose Bücher