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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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hôpital, consultation de neurologues. Diagnostic : « fracture du crâne avec hémorragie méningée ». Pronostic : « très réservé ».
    De lundi à dimanche, elle a continué à ressembler à une morte. Pour éviter une agitation inutile, nous n'avons averti personne. Enfin, dimanche après-midi, un premier mouvement de tête fait espérer que l'enfant reviendra à elle.

    Lundi 18 juin, elle a ouvert un instant les yeux. Après huit jours, la presse du soir finit par percer le secret. L'émotion des autres ne se déclenche que quand la nôtre commence à s'apaiser.

    À Matignon, mardi 19, pour notre réunion matinale, Pompidou se lève et vient me dire quelques mots sobres et délicats.

    Ce jeudi 21 juin, au Conseil, le Général, quand il serre les mains en rejoignant sa place, m'interroge brièvement. « Nous en reparlerons tout à l'heure. » De fait, à l'issue du Conseil, il me pose des questions, mais, pratique, va à ce qui lui paraît l'essentiel : « L'a-ton trépanée ?
    AP. — On estime ne rien pouvoir faire, tant qu'elle n'est pas sortie du coma. »

    Salon doré, 27 juin 1962.
    Il revient sur le sujet : « Va-t-on la trépaner ?
    AP. — On m'assure que ça ne se fait plus. On laisse la nature agir, avec l'aide d'un goutte-à-goutte pour essayer de résorber l'hématome. »

    Salon doré, 4 juillet 1962.
    Le Général me questionne encore : « Est-ce qu'il lui en restera quelque chose ?
    AP. — On ne pourra le savoir qu'à son adolescence. »
    Il se tait un instant, puis me dit, avec une infinie douceur dans la voix : « S'il devait lui en rester quelque chose, vous savez, on s'attache plus à un enfant fragile qu'à un enfant normal. »
    Dans le regard qu'il m'a jeté, dans le silence qui a suivi, j'ai senti passer une tendresse, et comme une souffrance, qui m'ont bouleversé.

    Provins, 17 juin 1965.
    Après le déjeuner, nous présentons au Général et à Mme de Gaulle nos cinq enfants. Trois ans après, il n'a pas oublié. Pendant que les filles, après avoir fait leur révérence, s'éloignent sur la pelouse, il me demande : « C'est laquelle, celle qui a été accidentée ? » Je la lui désigne. « Est-ce qu'il reste des séquelles ?
    — Aucune, apparemment ; elle a si bien récupéré qu'elle n'a peur de rien, elle grimpe au sommet des arbres en disant : "Je suis en caoutchouc." »
    Il me lance le même regard, si plein de tristesse et d'humanité,qu'il y a trois ans. Je m'en veux d'avoir répondu gaiement, sans penser à sa fille infirme. Il se tait un long moment, en tournant sa cuillère dans sa tasse de café. Se souvient-il de son instant d'émotion, quand il avait pensé à Anne à propos de Manu ? On dirait que c'est dans le silence qu'il se transmet le mieux.

    « De Gaulle ne serait plus de Gaulle »
    Au-dessus de toutes ses décisions, flottent, non seulement une certaine idée de la France, mais une certaine idée de De Gaulle, qui se superposent. Depuis que, le 18 juin 1940, il est entré dans l'Histoire, une image s'impose à lui : ce héros qu'il a voulu être dès son plus jeune âge ; qu'il doit être ; que, si souvent, il fut ; et dont il parle à la troisième personne, avec une sorte d'étonnement. Il est à lui-même sa propre statue du Commandeur.
    « De Gaulle doit faire sortir la France du guêpier algérien. » « De Gaulle doit trouver une fin des combats honorable pour tous. » « De Gaulle n'a pas le droit, devant les Français, de s'afficher comme un dévot. » « De Gaulle ne serait plus de Gaulle s'il baissait les bras. »

    C'était de Gaulle : un homme qui habitait sa statue.
    1 Ministre de l'Intérieur.
    2 Jules Pams (1835-1930) fut député (1893-1904) puis sénateur (1904-1930) des Pyrénées-Orientales, ministre de l'Agriculture (1911-1913) et de l'Intérieur (1917-1920).
    3 Notre fille Emmanuelle, huit ans.

Chapitre 2
    « QUE VOUS NE ME RÉSERVIEZ PAS UNE AFFAIRE PROFUMO, ET TOUT IRA BIEN »
    Au Conseil du 19 juin 1963, Pierre Dumas 1 a déploré la tendance à l'absentéisme dans les deux Assemblées. Le Général lui répond :
    « Si les parlementaires ne viennent pas en séance, qu'ils ne s'en prennent qu'à eux-mêmes ! Le Parlement est menacé. Le gouvernement ne l'est pas. Pour Dieu ! Que vous ne me réserviez pas une affaire Profumo 2 , Messieurs, et tout ira bien. »
    Il dit cela sans rire, sans la moindre trace de complicité ou d'indulgence masculines. Du ton du maître.

    « Un ministre doit être insoupçonnable »
    À l'issue du

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