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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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Conseil, le Général me dit, de lui-même : « Cette affaire Profumo est scandaleuse, dégoûtante et lamentable. »
    Il reprend : « Un ministre doit être insoupçonnable.
    AP. — Qu'est-ce à dire, mon général ?
    GdG. — C'est simple ! Il ne faut pas qu'un homme détenant un pouvoir d'État, donc dépositaire de la confiance du peuple, trahisse cette confiance, ou paraisse en être capable. »
    Être insoupçonnable, ce n'est pas seulement n'avoir pas commis de faute grave ; c'est ne pas prêter le flanc à un quelconque soupçon de défaillance. Les ministres représentent quelque chose de plus grand qu'eux-mêmes ; ils doivent donc se hisser au-dessus d'eux-mêmes. La faiblesse est humaine ; elle ne peut être ministérielle.
    Cette exigence va de soi, pour tout ce qui relève de l'intégrité, article essentiel du contrat de confiance entre l'élu et le peuple.
    L'intégrité... Nous sommes nombreux, autour de la table, à nous rappeler la mésaventure de ce ministre qui, séance tenante, a été congédié comme un domestique indélicat. Vieux militant dont on avait voulu récompenser la fidélité, il fut limogé silencieusement. Il avait donné à un État étranger des informations probablement stipendiées et avait eu l'imprudence de le faire par téléphone. Pompidou l'apprit et, dans l'heure, avertit le secrétaire général de l'Élysée, qui mit immédiatement au courant de ce fait, ou de cesoupçon, le Général ; lequel, sans en demander davantage, prononça son verdict :
    « Le Premier ministre doit lui demander aujourd'hui même sa démission et lui interdire de retourner à son ministère. »
    Le lendemain matin, le bouche à oreille du téléphone interministériel avait fonctionné. Pas un ministre, pas un directeur de cabinet qui ne fût au courant. Pourtant, rien ne transparut dans la presse, encore qu'elle se fût posé bien des questions sur cette éclipse soudaine.
    Le Général est intraitable. « La femme de César »... Un soupçon sérieux lui suffit et, à la limite, peu lui importe que les faits soient avérés : il ne peut garder auprès de lui un ministre dont il serait dit, dans les milieux « bien informés », qu'il est corruptible. De plus, il connaît la vertu des sanctions. Il sait que ceux des ministres ou de leurs principaux collaborateurs qui auraient pu succomber à pareille tentation, sauront dorénavant mieux y résister.
    Trente-cinq ans après, les initiés, entre eux, citent encore cet exemple d'une carrière brisée, d'un ministre écarté de son ministère sans même pouvoir reprendre sa serviette ni faire ses adieux à ses collaborateurs. Mais il n'y avait pas eu de trouble dans l'esprit public. Seule avait été atteinte la cible qui devait l'être.
    Certes, on pourrait reprocher au Général d'avoir, en faisant justice lui-même, empêché la Justice de faire son travail. Mais que vaut-il mieux ? Un État au sein duquel, depuis le sommet, la rigueur morale se fait durement sentir, ou un État de facilité, où tous les débordements paraissent acceptables, jusqu'au jour où la Justice doit y mettre bon ordre — dans le désordre de ses procédures — avec cette conséquence, que le peuple est en droit de se dire : « Tous pourris ! » Les Français ont connu ces deux États. Ils peuvent faire la différence.
    Dans le respect que le peuple — et même l'opposition — porte au Général, je crois bien que sa réputation de rigueur entre pour beaucoup.
    Rigueur dans le désintéressement. Son train de vie modeste. Sa pension refusée. La Fondation Anne de Gaulle pour handicapés, au profit de laquelle il versait ses droits d'auteur. Les honneurs déclinés, jusque dans ses obsèques et dans sa tombe.

    « Encore heureux que ce zigoto n'ait pas été ministre »
    L'exigence du Général s'étend aux relations avec le sexe, si propres à fragiliser un homme public et à scandaliser les braves gens.
    Matignon, jeudi matin 19 septembre 1963.
    Les journaux sont pleins d'une affaire d'espionnage qui éclate, avec l'arrestation de Georges Pâques, chef-adjoint du service de presse de l'OTAN. Pompidou est stupéfait. Il l'a connu à Normale : « Il y entrait quand j'en sortais. On lui aurait donné le Bon Dieu sans confession. Or, il espionnait pour le compte de l'URSS depuis la Libération. Les bras m'en tombent. Comment a-t-il pu ainsi bousiller sa vie ? »

    Après le Conseil du 1 er octobre 1963, le Général me parle à son tour de l'arrestation de Pâques :

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