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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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d'assister à des manœuvres, me lance : « Ces braves militaires n'ont pas encore compris qu'il fallait changer d'époque. Ils en restent toujours à leurs vieilleries et à leur folklore. »
    « Ces braves militaires. » On ne dirait pas qu'il en est un. Je lui ai demandé un jour pourquoi il avait choisi ce métier. Il m'a répondu doucement : « Je voulais être utile au pays. Ce qui comptait, c'était la revanche, la carrière militaire était le plus sûr moyen... » C'est ainsi qu'il est devenu un de ces « braves militaires ». A sa façon.

    Au Conseil du mardi 7 juillet 1964, Messmer propose une réforme du service militaire, pour cause de surabondance de recrues. « On ne peut réduire la durée du service à moins d'un an, parce que la formation à donner est de plus en plus complexe. Autre solution : disparition de la conscription et création d'une armée de métier. C'est déjà le cas pour la marine et l'aviation. Vous avez écarté cette solution jusqu'à nouvel ordre, mon général, pour des raisons morales : après six ans où le contingent était envoyé en Algérie pour plus de deux ou trois ans, on ne peut pas sans transition libérer les jeunes de tout service. Ce serait injuste vis-à-vis des classes qui ont payé le prix fort. Et on risquerait soudain de détruire chez les jeunes l'esprit de défense. Reste donc à multiplier les exemptions, pour diminuer le nombre des conscrits. »

    « Le service militaire, c'est une grande tradition patriotique et républicaine »
    Le Général conclut : « C' est bien la première fois dans notre histoire que les armées sont effrayées par le débordement des recrues !
    « Pour tout ce qui combat sur terre, dans l'air ou en mer, nous allons en réalité vers l'armée de métier. C'est l'esprit du temps. Mais pour la logistique, le ravitaillement, les transmissions, le service de santé, etc., la juxtaposition des professionnels et du contingent reste souhaitable pour le moment. De toute façon, même quand on dispensera les appelés de service militaire, il faudra les recenser et en faire des réservistes. »
    « C'est l'esprit du temps. » Cet esprit, il l'avait deviné, comme pour le reste, avec trente ans d'avance. Naturellement, il n'ensouffle mot : il est assez orgueilleux pour savoir rester modeste. Il résiste à la tentation de tirer lui-même les conséquences de ses intuitions prémonitoires d' avant-guerre. Il faudra en venir à cette grande réforme, mais c'est encore trop tôt. Et le « contingent », bien que virtuel, devra savoir qu'il reste à la disposition du pays.
    Après le Conseil, le Général me résume ainsi la question : « Les classes nées depuis la guerre vont être beaucoup plus nombreuses, alors que nos besoins ont beaucoup diminué. Il y avait deux solutions extrêmes : créer l'armée de métier ; ou ramener le service à neuf mois. Nous les avons rejetées toutes les deux. Jusqu' à nouvel ordre, on maintient le principe du service obligatoire. C'est une grande tradition patriotique et républicaine, qui fait participer la jeunesse à l'effort de défense de la nation. Et puis, si on le supprimait complètement, il serait bien difficile de le rétablir le jour où on en aurait besoin. »
    Il est tout de même étonnant de voir le Général, doté de tous les pouvoirs, renoncer à appliquer lui-même la réforme qu'il préconisait quand il n'était pas en mesure de l'imposer...

    « L'armée devient homogène, le folklore, c'est fini »
    Au 14 Juillet 1964, sur les Champs-Élysées, ni Légion étrangère ni tabors marocains. Il me semble que la foule, comme si elle en était frustrée, se montre moins chaleureuse qu'à l'ordinaire.
    À l'Elysée, à l'occasion de la réception qui suit, j'en dis un mot au Général. Il me répond sèchement : « C'est volontaire. » Je n'insiste pas, de peur de prolonger indûment.
    Sur la pelouse, un général de corps d' armée, verre de whisky à la main, me dit : « Pour nous, militaires, la principale innovation du général de Gaulle a été la suppression du ceinturon qui soulignait son œuf colonial. Il l' a interdit à tous pour ne pas le porter lui-même. Ça, nous lui en sommes redevables. Le reste, c'est plus contestable. »
    L'amertume se déguise mal sous la gouaille. Que d'officiers comme lui ai-je rencontrés, dans ces années, qui ne savent aucun gré à ce général de leur imposer un mariage forcé avec une époque nouvelle !

    Je reviens à la charge le lendemain,

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