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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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après le Conseil du 15 juillet. AP : « La Légion n'a pas défilé avec ses chapeaux chinois et ses clochettes, ni les goums avec leurs mascottes et leurs moutons. Le public en raffole. Il aura été déçu.
    GdG (vivement). — C'est moi ,qui n'en ai pas voulu. Il faut prendre son parti de la disparition du pittoresque. Nos forces deviennent homogènes. L'homogénéité est le caractère de ce temps. Dans l'armée, le folklore, c'est fini. »
    En fait de culte de la patrie, le Général est janséniste. Il ne jouepas sur le registre sentimental. Mais je me demande s'il ne laisse pas percer, sous le dédain pour le « pittoresque » et le « folklore », une pointe de jalousie. La Légion constitue le seul corps qui soit vraiment de métier, et le théoricien de l'Armée de métier devrait la ressentir comme un modèle. Il ne peut pas oublier que trente mille képis blancs sont morts pour la France, jamais sans honneur, toujours sans murmure. Il ne peut ignorer les paroles de bienvenue du général de Héguier à un régiment de Légion arrivé en renfort à Sébastopol — ces paroles qui ressemblent tant à celles qu'il adressait lui-même aux commandos de la France libre : « Vous êtes entrés à la Légion pour affronter la mort. Je vous envoie où l'on meurt ! »

    Au Conseil du 15 juillet 1963, il surprend son monde. Messmer proposait des nominations d'inspecteurs généraux de l'Inscription maritime. Le Général, soudain : « L'Inscription maritime ! Elle a été inventée par Colbert pour recruter des marins. Aujourd'hui, c'est dépassé ! Dans tous les domaines, il faut moderniser, reconvertir des unités périmées, mettre du neuf à la place du vieux ! »

    Après le Conseil, le Général ajoute devant moi : « On s'accroche à des institutions qui avaient leur justification sous Louis XIV Elles n'en ont pas plus aujourd'hui que les fortifications de Vauban ! Il faut balayer tout ce folklore ! »

    « Les chantiers de jeunesse ? Ce n'était pas si bête »
    Au cours de ce Conseil, Messmer a annoncé que le général Nemo, commandant interarmes aux Caraibes, est remplacé. En mars dernier, nous l'avions vu à l'œuvre à la Martinique, puis en Guyane. Le Général avait manifesté sa satisfaction, en voyant une unité au travail en Guyane, en pleine forêt équatoriale. Il ne l'a pas oublié. Il commente : « Nemo a bien fait. Il a su mettre en œuvre une tâche nouvelle : le service militaire adapté. »

    Après le Conseil, il ajoute à mon intention : « Il n'est pas dit qu'un jour ou l'autre, on ne devra pas organiser un système comparable pour la métropole. Dans les Caraibes, ce système permet de tirer les jeunes du désœuvrement, de leur faire accomplir une grande action d'intérêt général, défricher la forêt, construire des bâtiments. Qui pourrait mener ça à bien, sinon l'armée ? Le problème n'est pas le même pour le contingent de métropole, puisque les jeunes sont tout de suite absorbés par le marché de l'emploi. Mais on ne sait pas combien de temps ça durera 1 . Et il y a des tâches nationales qui nesont jamais réalisées, par exemple le débroussaillage des forêts, qui leur éviterait de prendre feu dès la première allumette.
    AP (je ne peux m'empêcher de prendre un ton un peu persifleur). — En somme, les chantiers de jeunesse ?
    GdG (se penche en avant et tape sur son bureau du plat de la main). — Pourquoi pas ? C'était pas si bête ! C'est pas parce que Vichy les a mis sur pied que c'était mauvais ! Un des torts de Vichy, c'est d'avoir jeté le discrédit sur de bonnes idées. On n'ose plus célébrer le travail, la famille ni la patrie. Et pourtant, vous croyez qu'un pays peut vivre sans honorer ces valeurs-là ? Elles sont parfaitement compatibles avec "Liberté, égalité, fraternité ". Et même, notre devise ne prend tout son sens qu'à travers elles ! »
    Après un silence, il reprend : « Vous savez, l'armée, ça a quand même du bon. Ça enseigne aux jeunes à lire, à écrire et à compter là où l'école a échoué, parce que, entre-temps, les jeunes ont mûri. Ça leur donne une seconde chance. Ça leur apprend à vivre ensemble, à respecter une discipline. Tenez, ce Nemo, avec un nom pareil, ça doit être un enfant trouvé. On ne compte plus les généraux qui sont dans le même cas. Ce qu'on appelle la caste des officiers ne le leur a jamais reproché ; elle s'honore de les compter dans ses rangs. Ils ont plus de mérite que les autres. »

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