C'était de Gaulle - Tome II
vitesse. Mais les luttes religieuses, les oppositions de cultures, les chocs d'ambitions nationales ont quelque chose d'éternel. Et derrière tout ça, on retrouve toujours les Anglo-Saxons. »
À la fin du Conseil, pendant que le Général serre les mains, Pompidou me fait de vifs reproches : « Il faut lui épargner ces coups de sang ! J'avais gommé ce sujet. On ne sert bien le Général qu'en lui cachant certaines choses. Il n'a pas besoin d'excitants, mais de tranquillisants. Ne vous conduisez pas avec lui comme Debré. Faites comme moi, calmez-le. »
Après le Conseil, le Général me dit : « Ces pasteurs se croient toujours investis de la même mission en face du même ennemi, qui est la France. Ou bien les protestants font allégeance à la France, et on leur ouvre grands les bras. Ou bien ils complotent contre la France avec les Anglo-Saxons, et on les réduit ; c'est ce que Richelieu avait fait. »
« La Nouvelle-Zélande est à plus de 2 000 km à l'Ouest et les vents vont vers l'Est »
Au Conseil du 25 novembre 1964, Herzog, de retour de Nouvelle-Zélande, où il s'est préoccupé des futurs Jeux du Pacifique en Nouvelle-Calédonie, fait part de l'inquiétude des Néo-Zélandais devant les futures expériences atomiques françaises. Il y a dans le pays des associations remuantes.
GdG : « Ah oui ! Des ligues de vieilles demoiselles.
Herzog. — Si les expériences ont lieu pendant une période électorale, le Premier ministre néo-zélandais sera obligé de protester.
GdG. — J'espère que vous l'avez rassuré. La Nouvelle-Zélande est à plus de 2 000 km à l'ouest de nos atolls, alors que les vents soufflent d'ouest en est ! »
« Ce qui est sérieux, c'est que nous devenons enfin des gens sérieux »
Après le Conseil du 7 avril 1965, où Messmer a rendu compte d'une nouvelle inspection des sites du Pacifique :
GdG : « Ce que racontent les journaux américains, ou anglais, oufrançais à la remorque de Washington, à savoir que nous rencontrons des difficultés pour constituer notre force nucléaire, ce n'est pas sérieux.
« Ce qui est sérieux, en Polynésie, c'est que l'infrastructure nécessaire aux expériences s'établit exactement dans les délais et crédits prévus. Ce qui est sérieux, c'est que nous devenons enfin des gens sérieux.
AP. — Messmer a eu l'impression que les Australiens se faisaient à l'idée que ce Centre d'essais va exister.
GdG. — Surtout, il ne faut pas attacher de l'importance à ce que les Australiens ou les Néo-Zélandais ragotent ou ne ragotent pas ! Qu'ils soient contre ou qu'ils soient pour, nous est complètement égal. C'est bon pour les journaux. Ce n'est rien. Ce qui compte, c'est que la construction de notre force nucléaire est la grande affaire de la France, et que l'installation du Centre d'essais du Pacifique est une grande œuvre française. »
Salon doré, 9 juin 1965. J'interroge le Général sur l'incident de l'avion militaire américain qui a longuement survolé Pierrelatte :
AP : « Je ne dis rien ?
GdG. — Non. Inutile d'en faire une histoire. Les Américains ne se disposent quand même pas à bombarder Pierrelatte, malgré l'envie qu'ils en auraient. »
« Les Français sont capables de prouesses »
Conseil du 15 septembre 1965.
Bourges 2 revient de Polynésie. Il rend compte de l'avancement rapide des chantiers.
Le Général interroge : « Le calendrier est respecté ? Le retard pris a été rattrapé ?
Bourges. — Oui, grâce au recrutement de cent travailleurs portugais. Fangataufa n'a pas besoin d'être prêt pour la première vague de tirs : le programme est entièrement réalisable à Mururoa.
GdG. — Quand il y a des difficultés à vaincre, quand on donne un but et les moyens de l' atteindre, les Français sont capables de prouesses. On a un sentiment de réconfort sur la capacité de notre pays à aborder des tâches de cette ampleur. »
1 George Pritchard, missionnaire protestant et consul britannique à Tahiti, avait usé de son influence sur la reine Pomaré IV pour faire expulser les missionnaires catholiques en 1836 puis pour pousser Pomaré à la révolte (1843). Expulsé à Londres en 1844, il ameuta l'opinion publique contre la France.
2 Yvon Bourges, secrétaire d'État à la Recherche scientifique, en remplacement de Gaston Palewski, nommé président du Conseil constitutionnel.
Chapitre 7
«DANS L'ARMÉE, LE FOLKLORE, C'EST FINI»
Salon doré, 15 octobre 1963. Le Général, qui revient
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