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C'était de Gaulle - Tome II

C'était de Gaulle - Tome II

Titel: C'était de Gaulle - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Peyrefitte
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C'était ça, la Restauration et la monarchie de Juillet. Ellesont abouti chacune à une révolution. Alors est arrivée l'émeute de février 1848. Une fois encore, le gouvernement, enfin ce qui s'est trouvé à l'Hôtel de Ville, a pris le pouvoir au nom du peuple ; mais pas au nom des partis. Alors, il y a eu le Second Empire. On ne peut pas dire que c'était le régime des partis.
    « Et puis, enfin, est arrivée la III e . Il n'y avait plus personne. Elle n'aurait d'ailleurs pas pu se fonder sans M. Thiers, qui n'était pas à proprement parler "un parti". Bien. Grâce à l'abdication 2 du comte de Chambord, elle a pu prendre racine. Après, il n'y avait plus rien, plus personne. Alors, il y a eu les partis.
    « Mais avant 14, les partis, ça n'avait pas alors d'inconvénients immédiats, ni mortels, parce que la France marchait toute seule. L'administration, qui avait été faite d' ailleurs par l'Empire, marchait toute seule. L'armée marchait toute seule. Les finances marchaient toutes seules : le 3 %, la pièce d'or étaient des institutions. La situation extérieure de la France était établie. On guettait la ligne bleue des Vosges. Ça a marché médiocrement, sans impulsion ; il y avait bien des crises, l'affaire Dreyfus, la querelle des Inventaires, etc. Mais enfin, ça ne se disloquait pas.
    « Après la Première Guerre, qui a soudé les âmes, et à plus forte raison après la Seconde, l'ébranlement avait été tel, que l'administration ne marchait plus toute seule. La justice non plus. L'armée non plus. Et la situation extérieure de la France n'était pas établie une fois pour toutes. Tout changeait. Il fallait un gouvernement. Il n'y en avait pas, parce que c'était le régime des partis, qui n'étaient jamais foutus de faire un gouvernement.
    « Alors on dit, même Debré dit : "C'est parce qu'ils n'avaient pas la majorité à l'Assemblée." Mais c'est pas vrai ! Le Bloc national, le Cartel des gauches, le Front popu avaient une énorme majorité à l'Assemblée. Mais chaque fois, ils se disloquaient. Parce que c'est la définition même des partis en France : ils sont là pour se disloquer. Alors, faire procéder l'action du Parlement, c' est-à-dire des partis, c'est une sottise monumentale, en France en tout cas. Nous avons fait la V e là-contre !

    « La définition du gouvernement, c'est qu'il n'est pas comme du sable entre les doigts »
    « Alors, on vous compare ça aux Anglais, mais ça n'a aucun rapport ! Mettons que ça marche cahin-caha pour eux. D'abord, ils sont une île. Ensuite, ils avaient le génie de faire travailler lesautres, comme esclaves, ou comme colonisés, ou comme protégés. Ils avaient la Royal Navy. Ils avaient amassé un capital énorme de richesses, d'argent, de bateaux, de banques, d'assurances, d'influence mondiale, à dépenser. Ils l'ont d' ailleurs dépensé, ou ils achèvent de le dépenser. Et maintenant, je ne suis pas convaincu que le système des partis suffira à les faire vivre. Enfin, admettons. Ce sont les Anglais. Ce n'est pas la France.
    «Nous avons une expérience politique assez ancienne pour savoir que jamais nous ne serons gouvernés, ce qui s'appelle gouvernés, par les partis. Jamais. La définition même du gouvernement, c'est qu'il gouverne. C'est qu'il prend des responsabilités. C'est qu'il fait des choix clairs. C'est qu'il est cohérent. C'est qu'il obéit à l'intérêt national, et non à la dernière pression qu'il a subie, à la dernière mode qui court dans les journaux. C'est qu'il n'est pas comme du sable entre les doigts. C'est qu'il n'est pas un parti.
    « Le pouvoir, au XX e siècle, ç'a été Clemenceau, ç'a été Pétain et ç'a été de Gaulle. Mais c'était jamais les partis. Jamais ! Jamais ! Ça n'est jamais arrivé et ça n'arrivera jamais !
    (Étonnant, qu'il place Pétain dans cette série, alors qu'il a toujours proclamé l'État de Vichy illégitime et sans existence.)
    AP. — Mais alors...
    GdG. —Alors, l'État doit échapper aux partis. »
    Je reste muet devant cette leçon d'histoire. Le Général est là, sur cette banquette de velours vert, exprimant sans une hésitation sa vision absolument originale de notre histoire politique. Car personne avant lui, ni d'ailleurs après, ne me semble avoir déchiffré notre chronique confuse et tourmentée en se servant de cette clé : le rapport entre le gouvernement, le peuple et les partis. La question de la démocratie n'entre pas pour lui en ligne de compte.

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