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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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s’esclaffer aux plaisanteries grinçantes dont l’homme à la barbe assaisonne ses entretiens. Henri-Désiré Landru, lui, aime bien cet avocat qui vient le voir très régulièrement dans sa prison, alors que Moro-Giafferi reste, pour lui, très lointain.
    En octobre 1921, l’instruction touche à sa fin. Le 7 novembre, le procès doit s’ouvrir devant la cour d’assises de Versailles. C’est alors que, le 8 octobre, Landru va remettre à Navières du Treuil un document qui, à première vue, n’est rien de plus qu’un dessin représentant la cuisine de la maison de Gambais. Un dessin de sa main. En fait il s’agit de bien autre chose.
    Tracé au crayon, repassé à l’encre noire avec une plume Sergent-Major, le dessin représente la fameuse cuisine de Gambais et la non moins célèbre cuisinière, tout cela minutieusement retracé de mémoire. Tout y est : la hotte, les bougeoirs, le moulin à café. Landru a imité le style des illustrations des ouvrages qui relatent les grands crimes du passé.
    De sa main, il a calligraphié : « Les causes célèbres. » En dessous : « Le mystère de Gambais. » Tout au bas, il a écrit ceci : « Le témoin dépose. Pour préparer le repas, la cuisinière fut allumée. Elle me paraissait très petite, mais il me déclara qu’elle marchait très bien, que l’on pouvait y brûler tout ce qu’on voulait. » Il s’agit d’un extrait de la déposition de Fernande Segret, la compagne très aimée.
    C’est au dos que figure le stupéfiant aveu. Landru a écrit au crayon : Ce n’est pas le mur derrière lequel il se passe quelque chose, mais bien la cuisinière dans laquelle on a brûlé quelque chose . « Brûlé » est souligné trois fois. Le tout est signé et daté de Versailles, le 8 octobre 1921. Il faut se souvenir de l’hypothèse formulée par certains qui se refusaient à admettre que les corps eussent pu être brûlés dans une cuisinière si exiguë : ils soutenaient que les corps avaient été incinérés dans un hangar situé derrière le mur de la maison. Landru tenait à mettre les choses au point.
    En remettant le dessin et l’inscription à son avocat, Landru a déclaré : « Si je suis condamné et exécuté, laissez passer quelques années et vous pourrez en faire état. Si je ne suis pas exécuté, effacez le texte…» D’où l’usage du crayon.
    M e Navières du Treuil est mort en août 1967, à quatre-vingt-six ans. À la veille de la Seconde Guerre mondiale, il avait déclaré à sa fille : « S’il m’arrivait quelque chose, récupère le sous-verre accroché dans mon bureau et ouvre-le. »
    Ce n’est qu’en décembre 1967, en présence du bâtonnier Dussan et du procureur Chavanon, que le cadre fut démonté et le texte de Landru découvert. Mais nul, à l’époque, n’avait pris garde que l’inscription avait le sens que nous sommes libres de lui donner aujourd’hui.
    Le dessin était accompagné des lignes que voici :
    « Mon cher maître,
    « Permettez-moi de vous offrir ce modeste souvenir, fait pendant la préparation des débats et dont le sujet m’a été inspiré par la déposition d’un témoin, preuve incontestable et indiscutable de l’incommensurable bêtise humaine. »
    Clin d’œil à la postérité ? Sans doute. Le dernier du sire de Gambais.
     
    On parle toujours de Landru. On en parle sans hostilité, voire avec un sentiment qui ressemble parfois à de la sympathie. Landru était un monstre, bien entendu, mais un monstre qui faisait rire. En France, il faut mettre les rieurs de son côté.
    Même lorsqu’on a tué onze personnes.

X

Sacco et Vanzetti
    Le 15 avril 1920
    Des millions d’hommes et de femmes ont crié : Sauvez de la mort des innocents ! On a manifesté à Boston, New York, Londres, Paris, Berlin, Tokyo, Buenos Aires, Sydney, Rio de Janeiro. Afin que ne meurent pas Sacco et Vanzetti, d’autres ont donné leur vie.
    Pour ceux qui suppliaient qu’ils fussent épargnés, Sacco et Vanzetti n’avaient pas été condamnés parce qu’ils étaient coupables mais parce que la xénophobie et l’intolérance avaient conduit à les juger coupables. Ces Italiens sont devenus un symbole. Faut-il néanmoins que les symboles masquent la réalité ? Est-ce parce que l’on a cru avec tant de passion Sacco et Vanzetti innocents que nous devrions nous interdire de chercher s’ils l’étaient vraiment ?
    Le temps a passé. Au-delà des colères du moment, les historiens ont

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