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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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travaillé. Ils ont exploré d’énormes masses de documents, les comptes rendus du procès, les interrogatoires des accusés, les déclarations successives des témoins, les expertises. Il semble possible aujourd’hui, sinon d’atteindre à la vérité absolue, du moins de la serrer de très près.
     
    Le 24 décembre 1919, un mercredi, à 7 h 40 du matin, un camion roule dans le jour qui se lève à peine sur Bridgewater. Il fait très froid. Au volant, un certain Earl Graves. À côté de lui, le constable Benjamin Bowles. Derrière lui, assis dans le camion sur une mallette en fer galvanisé, Alfred Cox, chef caissier d’une usine de chaussures. Bridgewater, c’est, à 40 kilomètres de Plymouth, une ville résidentielle du Massachusetts, État, situé sur la côte est des États-Unis, au nord de New York. Pourquoi ce camion ? Pourquoi ces gens ? Il s’agit de transporter 33 113 dollars, paye de l’usine de chaussures. Elle est là, cette paye, dans la mallette en fer galvanisé.
    Le véhicule roule lentement. Du verglas couvre la chaussée et l’on ne dépasse guère 15 kilomètres à l’heure. Tout à coup, le chauffeur Graves aperçoit devant lui une voiture de tourisme aux vitres fermées par des rideaux. Cette voiture se met en travers, les roues sur le trottoir, bloquant tout passage. Trois hommes en sortent et s’élancent vers le camion. L’un d’eux arbore une moustache brune, il porte un long pardessus noir et il brandit une carabine. Deux autres exhibent des pistolets. L’homme à la moustache brune s’agenouille et vise. Graves accélère à fond et, dans une embardée, franchit les rails du tramway. Le constable Bowles tire. Une fusillade s’engage de part et d’autre mais un tramway arrive, Graves perd le contrôle de son camion qui va s’écraser contre un poteau électrique, brisant ses phares et son radiateur. Alors les trois agresseurs sautent dans leur voiture et s’enfuient.
    Le chef de la police de Bridgewater s’appelle Michael Stewart. Le tiers de la population de la ville est composé de Polonais, de Russes, de Grecs, d’Arméniens. Stewart déclare volontiers qu’il n’a d’ennuis qu’avec les étrangers. En ce qui concerne l’attaque du camion, logique avec lui-même, il soupçonne des Russes d’avoir fait le coup. Graves, le chauffeur, qui a vu les hommes de près, déclare : ce sont des Italiens.
    Malgré l’heure matinale, l’affaire a eu des témoins. On les interroge. Ils ne sont pas d’accord sur le modèle de la voiture. Certains parlent d’une Hudson, d’autres d’une Buick. Or une Buick a été volée dans la région un mois plus tôt à Needham. Stewart se demande s’il ne s’agirait pas de celle-là. Un indicateur affirme que les auteurs de l’attentat sont des Italiens et des anarchistes. Rien de plus mais l’idée vient de s’inscrire dans l’esprit de Stewart. Il ne l’abandonnera plus. Selon l’indicateur, après l’attentat, ces Italiens auraient temporairement occupé une maison en ruine située à proximité de Bridgewater. Ils y auraient laissé la voiture et seraient rentrés chez eux par le tramway. Ce détail, Stewart n’y pense plus. Au mois d’avril suivant, il va tout à coup s’en souvenir. Le 15 avril 1920, surviendra quelque chose d’infiniment plus grave que l’affaire de Bridgewater.
     
    Ce jour-là, à 3 heures et quelques minutes de l’après-midi, Parmenter, le chef caissier d’une fabrique de chaussures – elle a pour raison sociale Slater and Morrill et se trouve à South Braintree – quitte l’un des deux bâtiments de l’usine. Braintree est situé à seize kilomètres de Boston. On y dénombre quinze mille habitants environ. South Braintree abrite des usines, des rues laides, des maisons ouvrières, beaucoup de terrains vagues.
    Quand, chez Slater et Morrill, Parmenter quitte l’usine d’en haut , il n’est pas seul. Un garde du corps l’accompagne, un nommé Berardelli. Sa présence s’explique : les deux hommes, chacun dans une caisse de métal, transportent 15 776 dollars vers l’usine d’en bas . La paye. Chaque mois, le 15 et le 30, Parmenter et Berardelli accomplissent le même cérémonial, la même promenade. Ils traversent la même rue. Or, dans cette rue, Parmenter aperçoit deux hommes bruns, de taille moyenne, les mains dans les poches. L’un porte une casquette, l’autre un chapeau de feutre. Parmenter, qui marche en tête, passe devant eux. Il fait trois pas. Quand

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