C'était le XXe siècle T.1

attendait, qu’il faudrait remuer des milliers de tonnes de terre et de gravats avant de découvrir quelque chose. Mais nous étions prêts à tenter l’aventure. Nous avions même un but précis : trouver la tombe de Tout Ankh Amon  (34)  »
    Était-ce là une simple vue de l’esprit ? Nullement. Davis avait découvert dans la vallée, sous une pierre, une tasse de faïence au nom de Tout Ankh Amon. Dans un petit caveau, on avait dégagé une boîte en bois à l’effigie de Tout Ankh Amon et de sa femme. De grosses jarres en terre, exhumées d’une cache creusée à flanc de rocher, recelaient des sceaux d’argile, certains au nom de Tout Ankh Amon, ainsi que des fragments de châles. Sur l’un de ceux-ci, on pouvait lire, inscrite sur l’étoffe, la dernière date connue du règne de Tout Ankh Amon.
    À ces trois éléments, Howard en ajoutait un quatrième – à ses yeux le plus important peut-être – : la découverte par Davis de la cachette d’Akhenaton. Il croyait pouvoir en déduire que Tout Ankh Amon avait procédé lui-même au transfert de la momie de son prédécesseur.
    Récit de Carter  : « Nous étions donc profondément convaincus que la tombe de Tout Ankh Amon restait encore à découvrir, et qu’elle devait se situer non loin du centre de la vallée. Des fouilles systématiques et exhaustives furent entreprises à l’endroit où semblaient se présenter des chances raisonnables de succès, et nous étions sur le point d’achever notre plan de campagne pour la saison 1914-1915 lorsque la guerre éclata, suspendant tous nos projets. »
    Les guerres sont les ennemies des archéologues. Cependant, à la fin de 1917, Carnarvon et son associé purent se remettre au travail. La conviction de Carter ne faiblissait pas. Il faudrait fouiller sur le triangle de terre délimité par les tombeaux de Ramsès II, Meremptah et Ramsès VI. Toutes ses recherches, ses calculs, ses déductions l’amenaient à penser que là – et là seulement – devait se trouver la tombe de Tout Ankh Amon.
    Ce site couvrait à peu près un hectare. Il était recouvert par une véritable montagne de déblais provenant des précédentes fouilles. Souvenons-nous qu’en ce temps il n’existait pas de bulldozers en Égypte, ni d’ailleurs aucun engin mécanique. Ce travail de titan était effectué entièrement à la main, par des hommes et de jeunes garçons, à l’aide de pelles et de pioches, cependant que d’autres emportaient les gravats dans de simples paniers :
    Ce fut la première saison de fouilles. Carter parvint jusqu’à l’entrée du tombeau de Ramsès VI. Surprise : on distinguait là toute une série de huttes d’ouvriers, datant naturellement de l’ancienne Égypte. En général, ces huttes indiquaient la proximité d’une tombe.
    Récit de Carter  : « Notre premier mouvement fut de poursuivre les travaux dans cette direction. Mais nous aurions alors coupé tous les accès à la tombe de Ramsès située au-dessus, et c’était l’une des plus célèbres de toute la vallée. Nous décidâmes d’attendre une occasion plus propice. »
    La seconde saison de fouilles commença en octobre 1918. On continua à déblayer la totalité du triangle repéré par Carter. Il y fallut six mois. On découvrit treize vases d’albâtre portant les noms de Ramsès II et de Meremptah. Un bon signe mais rien de plus.
    On en vint à une troisième, une quatrième, une cinquième saison de fouilles. Ceci de 1919 à 1922. Aucune trace de la tombe de Tout Ankh Amon. Fallait-il renoncer ? Tout cela avait coûté cher, très cher. Après la Grande Guerre, la livre sterling avait beaucoup perdu de sa valeur. Carnarvon commençait à renâcler. Il songeait à l’armée de serviteurs que nécessitait l’entretien de sa propriété de Highclere et ses 14 000 hectares. Eux aussi coûtaient de plus en plus cher.
    Carter, lui, jurait que « tant qu’il resterait une seule parcelle de terrain non exploré, cela valait la peine de persévérer ». Pourquoi ne pas poursuivre les recherches sous les cabanes des ouvriers, au pied de la tombe de Ramsès VI ? Tout cela était bel et bon, mais lord Carnarvon se déclarait à bout de souffle. De plus, il n’allait pas bien. À quarante-sept ans, il avait l’air d’un vieillard. Il se taisait durant des jours entiers. L’épuisement physique s’accompagnait d’une profonde dépression. D’autre part, il s’entendait mal avec le successeur de