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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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bagarre au cours de laquelle un voyageur français avait été molesté, Carter se vit exiger des excuses par Maspéro. Il refusa tout net, manifestant déjà ce caractère ombrageux dont le monde entier parlera un jour. À regret, Maspéro dut le relever de ses fonctions.
     
    Tristes années que celles qui suivirent. Pendant quatre ans, Carter dut, pour survivre, vendre des aquarelles aux touristes, voire se faire guide. Son seul plaisir était de traverser le Nil et d’aller visiter cette vallée des Rois qui, comme tant d’autres, le fascinait. Certes, il y conduisait les touristes, mais souvent s’y rendait – seul – à dos d’âne. Là, il ressentait jusqu’à l’angoisse « le silence minéral de ce paysage grandiose  (33)  ».
    C’était bien le domaine de la mort. À part le trottinement de sa monture, nul bruit hors « le jappement d’un chacal ou le cri profond du hibou du désert ». Carter dira que tout était « immobile, immuable, comme figé pour l’éternité » et que, lors de tels pèlerinages, il se sentait « participer de la plénitude et de la sérénité » de la déesse Isis. Il connaissait dans le moindre détail les tombes déjà explorées. D’ailleurs, quand il était inspecteur des Antiquités, il en avait découvert deux en compagnie du mécène américain Théodore Davis. Il y retournait toujours avec une émotion identique, rêvait sur les fresques qu’elles contenaient, éprouvait la même volupté à en déchiffrer les inscriptions et les symboles – et le même regret à se dire que jamais on n’avait retrouvé l’une de ces tombes intactes. Les pharaons s’étaient fait enterrer dans la vallée des Rois pendant cinq siècles. Cinq siècles ! « Dans toute l’histoire du monde, écrira Carter, il n’est certainement pas un autre coin de terre qui ait à raconter un demi-millénaire plus riche en événements pittoresques. »
    Carter connaissait trop bien les textes qui, avec un luxe incroyable de détails, dépeignaient les objets dont on entourait les pharaons morts pour que ses regrets ne s’en trouvassent sans cesse avivés. En apparence, toutes les tombes de la vallée des Rois avaient été retrouvées et pillées. L’audace des voleurs s’était accrue de siècle en siècle. À ce point que, sous la XX e dynastie, on avait dû renoncer à surveiller les tombes.
    Existait-il quelque apparence que l’une d’elles eût échappé à la vigilance des pillards et – plus tard – des archéologues ? C’était bien improbable.
    Carter n’en continuait pas moins de rêver.
     
    De temps à autre, Maspéro demandait des nouvelles de Carter. Il s’attristait de le savoir toujours pauvre et surtout, en ce qui concernait l’archéologie, inutilisé. Un jour il le fit venir dans son bureau. Là se trouvait un homme distingué, vêtu d’une redingote de bon faiseur, mais d’une maigreur inquiétante. La fatigue ployait sa taille qui avait dû être, dans son jeune temps, haute et belle. Il s’appuyait sur une canne. Sur le visage, on retrouvait la même maigreur, les os presque apparents. Ce qui frappait le plus, c’était la conquérante et flamboyante moustache, du même roux que les cheveux. Maspéro se précipita pour faire les présentations. À l’instant, Howard Carter sut qu’il avait affaire à George Edward Stanhope Molyneux Herbert, ci-devant vicomte de Porchester, cinquième comte de Carnarvon.
    Ce qu’il ne sut pas, en revanche, c’est que cette présentation venait de sceller son destin.
    Carnarvon appartenait à l’une des plus notables familles d’Angleterre. Son père avait été ministre de Disraeli. Après deux années d’études à Cambridge, le jeune vicomte avait mené la vie d’un riche héritier, voyageant pendant sept ans à travers le monde. Comme beaucoup de ses pareils, il usait envers autrui d’une politesse exquise. Bref, le modèle achevé d’un gentleman de bonne compagnie, mais parfaitement frivole.
    À l’âge de vingt-neuf ans, il s’était marié. Lady Carnarvon lui avait donné deux enfants, un fils et une fille. Dès que l’automobile fit son apparition, il en acquit une. Il trouvait cela d’une suprême élégance. Un grave accident vint trop vite le détromper. Il en sortit la cage thoracique enfoncée, les jambes cruellement brûlées, les maxillaires fracturés et les bras démis. Il resta aveugle pendant un laps de temps qui plongea son entourage dans l’angoisse.
    Sa convalescence

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