C'était le XXe siècle T.1

découverte considérable. Carter jugeait peu convenable de ne pas y associer lord Carnarvon alors en Angleterre.
    Le lendemain matin, 6 novembre, il lui câbla : « Merveilleuse découverte dans la vallée. Tombe superbe avec sceaux intacts. Attends votre arrivée pour ouvrir. Félicitations. » Aussitôt le message reçu, lord Carnarvon répondit qu’il serait à Alexandrie le 20 novembre. Sa fille, lady Evelyn Herbert, l’accompagnerait.
    Carter profita de ce délai pour demander à l’archéologue britannique Callender, qui travaillait sur un autre site égyptien, de bien vouloir le rejoindre. Il avait besoin de recourir à toutes les compétences. Callender accepta. En se branchant sur l’installation de la tombe de Ramsès VI, il prépara un appareillage électrique qui pourrait être mis en place dès l’ouverture du tombeau. C’est alors que se passa un incident souvent déformé par les on-dit et que nous connaissons exactement aujourd’hui grâce à une lettre de Herbert Winlock à Edward Robinson, directeur du Metropolitan Museum of Art . Nous qui recherchons, quant à la « malédiction », le vrai et le faux, nous ne manquerons pas de lire cette lettre avec un particulier intérêt :
    « Quand Carter revint seul en octobre dernier, il acheta au Caire un canari dans une cage dorée afin d’égayer ce qu’il s’imaginait devoir être une maison solitaire et vide. Il venait d’arriver chez lui avec son domestique Abdul Ali portant le canari. Les gardiens et les contremaîtres étaient venus le saluer et s’apprêtaient à se retirer mais quand ils virent l’oiseau, ils remarquèrent : "C’est un oiseau d’or qui va nous porter chance. Nous trouverons cette année, s’il plaît à Dieu, un tombeau plein d’or." Une semaine plus tard, ils avaient fait la plus fabuleuse découverte de tous les temps, et l’hypogée fut d’abord appelé "le tombeau de l’oiseau d’or" par les indigènes. Le canari avait presque une auréole autour de sa cage.
    « Dès qu’il eut découvert le tombeau, Carter fit venir Callender d’Erment. Lord Callender arriva peu après et Carter alla le chercher au Caire. Callender logeait seul chez Carter, et l’oiseau avait été tout spécialement confié à ses soins. Or voilà qu’un après-midi il entendit dans la pièce voisine un battement d’ailes affolé accompagné de pépiements aigus. Il accourut juste à temps pour voir dans la cage un cobra en train d’avaler le canari, auréole comprise.
    « On avait déjà signalé auparavant la présence de cobras dans les parages, et les indigènes savaient que des cobras se dressaient sur la tête des anciens rois. La conclusion s’imposait d’elle-même. Le serpent du roi avait frappé la mascotte qui avait livré le secret du tombeau. L’affaire comportait une suite prévisible (du moins à leurs yeux, car j’avoue qu’elle m’apparut présenter quelques lacunes) : quelqu’un devait mourir avant la fin de l’hiver. Cela ne laissait pas d’être impressionnant. Cependant Carter ne semble pas avoir attaché autant d’importance à ce mauvais présage que son vieux contremaître. »
    Ce que nous pouvons retenir de cet épisode, c’est qu’avant même que l’on ouvrît la tombe, le climat était créé.
     
    Le 23 novembre, lord Carnarvon et sa fille – que Carter est allé accueillir au Caire – arrivent à Louxor par le train. Sur une photographie, lord Carnarvon affiche un air heureux mais il semble marqué par la fatigue. En revanche, que de beauté et de fraîcheur chez la jeune Evelyn ! Elle a vingt ans, elle rayonne de bonheur et porte entre ses bras un bouquet de fleurs.
    Juchés sur des ânes, ils vont se rendre à la vallée des Rois. Toute la journée, sous la direction de Callender, les ouvriers ont déblayé les premières couches de gravats. L’après-midi du 24, voilà dégagées les seize marches de l’escalier. Pour la première fois, les archéologues peuvent considérer la partie inférieure de la porte. Distinctement, ils déchiffrent plusieurs sceaux de Tout Ankh Amon ! Cette fois, plus possible de douter. La joie se lit sur tous les visages.
    25 novembre . On voit paraître l’inspecteur en chef du service des Antiquités, Rex Engelbach. Pierre Lacau a exigé qu’il soit prévenu. Vers le milieu de la matinée, les ouvriers brisent le plâtre et ôtent les pierres qui obstruent l’entrée. On imagine avec quelle curiosité fébrile les archéologues