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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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les hommes peuvent prendre leurs hamacs. Ailleurs s’accumulent l’eau potable, les provisions, les instruments scientifiques, les réserves de carburant, etc.
    Dans ce même espace, on découvre l’équipement qui doit permettre une exploration rationnelle de la banquise. Des traîneaux d’abord, des canots en caoutchouc, des bottes spéciales, des sacs de couchage, des gants, des casques. Un radeau de grande dimension permettant la navigation sur les chenaux qui sillonnent le pack. Une tente, aussi, consistant en deux « peaux » de soie séparées par une couche d’air servant d’isolant. Montée autour d’un piquet central de 2,40 m, un « manche » permet d’y accéder, « sorte de double porte, dont on pouvait clore hermétiquement le volet intérieur  (42)  ». Si un tel type de tente est devenu aujourd’hui, dans les pays froids, d’un usage courant, cette conception était, en 1928, réellement révolutionnaire.
    Même recherche de la perfection en ce qui concerne la tenue des membres de l’équipage. Chacun a reçu un parka en peau de renne et un costume en laine d’agneau recouvert d’un tissu imperméable à l’air et à l’eau. Ces trois pièces – pantalon, veston, capuchon – pèsent environ quatre kilos, ce qui ne facilite pas les déplacements. Le tout se révélera parfaitement étanche.
    L’ Italia emporte une grande croix de chêne. C’est le pape Pie XI qui l’a lui-même remise à Nobile. Très compétent en fait de problèmes polaires, il lui a recommandé de prendre garde au givrage et lui a demandé de jeter la croix au-dessus du pôle, ajoutant que « comme toutes les croix, elle sera lourde à porter ».
    On est paré. Nobile le croit et il a raison : rarement expédition scientifique a réuni de tels atouts, rarement tant de soins éclairés ont présidé à sa préparation. Nobile a sollicité – et obtenu – les conseils des meilleurs spécialistes contemporains de l’Arctique : le fameux Nansen, d’abord, le capitaine Sverdrur, les professeurs Hoel d’Oslo et De Geer de Stockholm.
    Malgré cela, Nobile calcule qu’il n’a guère que 50 % de chances de revenir. Cette lucidité, il l’a communiquée à son équipe et répète sans cesse :
    — Cinquante pour cent de chances.
    Personne ne s’est dérobé. Seul, Mussolini a dit à celui qu’il avait fait général :
    — Ne tentez pas une seconde fois le destin.
     
    Il est 1 h 15 du matin, le 15 avril 1928, quand l’ Italia s’élève du terrain à peine éclairé de Milan et, dans la nuit, met le cap sur le Spitzberg.
    La première étape n’est pas une partie de plaisir. Au milieu des tempêtes et des orages, fendant d’accablantes nappes de brouillard, survolant la vallée du Pô, Trieste, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, on parvient à gagner Stolp, sur les bords de la Baltique. L’appareil a souffert à un tel point – enveloppe abîmée, gouvernails faussés, une hélice hors d’usage – qu’il faut dix jours pour tout remettre en état.
    On repart le 3 mai, à 3 h 26. Nouvelles circonstances atmosphériques effroyables. Ayant survolé Stockholm, on fait escale à Vadso, où une rafale de vent endommage l’enveloppe. On reprend l’air dans la tempête. Bientôt la visibilité devient nulle : la neige fouette enveloppe et cabines. Le 6 mai, à 11 h 30, on rejoint – enfin – la baie du Roi. Un mauvais présage, cet épuisant périple ?
    Dans la baie est ancrée la Citt à di Milano , le navire affecté au ravitaillement et au soutien de l’ Italia . Un vieux rafiot commandé par un certain Romagna qui se révélera l’incapacité et la pusillanimité faites homme. Nobile attend de voir le marin à l’œuvre.
    Ultimes préparatifs. Le point noir, c’est la météo, toujours. Les perspectives sont rien moins qu’encourageantes. Doit-on remettre l’expédition à l’automne, après la période des brumes ? Il faudrait alors se passer de Malmgren. Et Nobile ne le veut pas. On partira.
    Le programme que s’est fixé le général doit comprendre trois vols : le premier dans la région de la Terre du Nord, le deuxième et le troisième au pôle et dans la région environnante. Ce programme, il va le suivre de point en point.
    Jean Malaurie, directeur français du Centre d’études arctiques, m’a confié :
    — C’était une expédition tout à fait différente de la première : ce n’était pas une expédition publicitaire, c’était une

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