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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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expédition scientifique. Et Nobile s’est révélé comme un visionnaire. Il y a du Léonard de Vinci dans Nobile. Il a compris que ces espaces immenses, qui étaient pratiquement ignorés, méritaient une exploration extrêmement attentive. C’est l’objet même de l’ Italia qui, dans la terre du Nord-Est, c’est-à-dire en territoire soviétique, a procédé à l’exploration de régions complètement inconnues, qu’il a cartographiées pour la première fois. Il faut retenir tout d’abord l’idée qui est celle de Nobile de procéder à une exploration scientifique internationale. L ’Italia était un navire international. Sans aucun doute, si cette exploration avait pu être menée à bien, nous aurions gagné cinquante ans dans la vie scientifique. Si l’on sait que certaines grandes batailles de la Seconde Guerre mondiale ont été décidées par une analyse attentive de la météorologie – je pense, en particulier, à la bataille des Ardennes, au passage du croiseur Bismarck par le Pas-de-Calais –, il faut se souvenir que toutes ces opérations n’ont été possibles que parce que le haut état-major allemand disposait de tout un réseau de météorologues dispersés au Groenland, au Spitzberg, dans des stations secrètes et permettant une certaine analyse des courants venus du pôle. Or l’exploration de Nobile avait permis de beaucoup mieux comprendre l’évolution synoptique des grandes masses de l’air. Je le répète : sans aucun doute, il aurait changé le cours des choses si les moyens lui en avaient été donnés.
    Le premier vol dure seulement huit heures. Aux environs du cap Nord, le temps devient si détestable qu’il faut rebrousser chemin. Le second vol, lui, se poursuit pendant trois jours sans interruption. L’ Italia survole les îles septentrionales de l’archipel François-Joseph et les régions de la Terre du Nord. Le dirigeable va explorer 50 000 kilomètres de zones sur lesquelles, dira avec un juste orgueil Nobile, « l’œil humain ne s’était encore jamais posé ». L’ Italia accumule des observations géographiques de premier ordre.
    Quelques jours de repos à la baie du Roi.
    Et puis, le 23 mai, à 4 h 28, l’ Italia reprend l’air. Cette fois, c’est le pôle que l’on veut atteindre, le pôle où Nobile veut déposer sur la glace l’équipe des savants qui procéderont aux mesures océanographiques et magnétiques prévues. Seize hommes à bord, dont le journaliste Lago qui ne reviendra pas.
    D’abord, du brouillard. Ceci jusqu’à la côte septentrionale du Groenland. Au-delà du cap Bridgman, tout à coup la brume opaque se déchire : le soleil ! Récit de Nobile  : « Avec le ciel bleu, le soleil qui brillait, égayant de ses rayons l’intérieur de la cabine de pilotage, et un fort vent arrière, la marche vers le pôle fut rapide et se déroula dans la plus joyeuse excitation. »
    Exceptionnelle, la visibilité : on peut voir dans toutes les directions jusqu’à cent kilomètres devant soi. Bref, toutes les chances.
    Peut-être pas.
    Ce vent arrière, justement, préoccupe Nobile. Pour revenir, il va falloir l’affronter. Ce sera une rude affaire que de regagner la baie du Roi en luttant contre une force aussi redoutable. Le vent reste l’ennemi le plus affirmé du dirigeable. Alors pourquoi, le pôle franchi, ne pas continuer sur cette lancée ? Pourquoi ne pas aller atterrir au Canada, à l’embouchure du Mackenzie ? Nobile s’ouvre de cette perspective à Malmgren qui l’en dissuade :
    — Ce vent ne va pas durer longtemps. Quand nous serons sur la voie du retour, après quelques heures il tombera et nous aurons du vent de nord-ouest.
    22 heures. Soudain, le temps change. Devant l’ Italia , une barrière de nuages sombres s’élève jusqu’à 1 000 mètres. Le dirigeable, pour ne pas perdre le soleil – nécessaire pour localiser le pôle à l’aide du sextant – prend de l’altitude.
    24 mai, 0 h 20, un cri :
    — Nous y sommes !
    Nobile donne l’ordre de descendre. On glisse dans la nappe de brume, on s’immobilise à une centaine de mètres du pack. Le pôle ! Le voilà donc, « ce point mystérieux, légendaire presque, cette zone blanche des mappemondes sur laquelle rêvèrent tant d’explorateurs et de marins depuis trois cents ans. C’est donc ça, le pôle Nord, cette dalle blanche et silencieuse de glaces en dérive posée sur l’océan  (43) …».
    Le drapeau italien glisse

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