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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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croit promis à la mort. D’ailleurs il se sent lui-même si faible qu’il fait ses adieux à ses camarades. À ce moment précis, un hurlement de joie :
    — La radio de campagne est intacte !
    C’est Biagi, le spécialiste radio, qui vient de se manifester. Il s’agit de la radio de secours que Nobile avait tenu à emporter à bord en prévision d’une descente sur la glace.
    Une radio en état de marche ? Cela change tout. L’espoir renaît. D’autant plus que, parmi les débris épars sur la glace, on trouve la tente que l’on dresse, un sac de couchage où l’on glissera les deux blessés, du pemmican, aliment déshydraté à base de poisson et de légumes, du chocolat – 70 kilos en tout – et même un revolver avec cent cartouches : toujours la prévoyance du général.
    Déjà, l’émetteur cliquette sous le doigt expert de Biagi :
    « S.O.S. Italia … S.O.S. Italia …»
    Nul doute, on va les entendre. Là-bas, dans la baie du Roi, la Città di Milano doit être à l’écoute vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Biagi cesse d’émettre, branche le récepteur. Aucune réponse. Il reprend ses S.O.S., écoute de nouveau. Cela dure des heures ! Enfin un message ! Ce n’est pas une réponse. Il vient pourtant de la Città di Milano  :
    « Depuis 10 heures ce matin nous n’avons pas capté vos émissions. Nous faisons la veille sur 900 mètres et sur ondes courtes. Nous vous croyons sur la côte nord du Spitzberg, entre le 15 e et le 20 e méridien  (44) . Comptez sur nous. Nous organisons les secours. »
    Désormais, toutes les deux heures, Biagi va entendre le même message qui prend de plus en plus la forme d’une simple routine. Lui, en revanche, continue à émettre frénétiquement. Ne parvenant pas à comprendre pourquoi il n’est pas entendu, Biagi ira jusqu’à démonter entièrement son poste. Et à le remonter.
    En vain.
    Le comble est que, lui reçoit parfaitement des stations fort éloignées. Jusqu’à l’émetteur de Saint-Paul, à Rome, qui se situe dans la même bande que celle qui lui a été attribuée, celle sur laquelle devrait l’écouter la Città di Milano .
    C’est à devenir fou !
    Peu à peu, dans la tente et autour de la tente, la vie s’est tant bien que mal organisée. On a retrouvé sur le pack des boules de verre contenant ce liquide rouge à l’aide duquel on contrôlait l’altitude du dirigeable. On s’en est servi pour teinter et zébrer de rouge les parois de la tente.
    Ainsi est-elle devenue la tente rouge.
    Toute leur vie, Nobile et ceux de ses compagnons qui survivront se souviendront de ce jour polaire, de ces nuits qui ne l’étaient que parce qu’on en décidait ainsi. « Neuf hommes amoncelés les uns sur les autres, écrira le général. Dehors, le vent soufflait. On entendait la toile de la tente claquer avec un bruit sinistre… La tente, prévue pour quatre personnes, était trop petite pour nous. Cecioni et moi en occupions déjà un tiers afin de pouvoir maintenir étendues et immobiles nos jambes fracturées. Dans l’espace restant devaient trouver place sept personnes et, en plus, les accumulateurs de la radio que j’y avais fait transporter pour les préserver du froid excessif. L’unique avantage d’être si nombreux dans un espace si étroit était d’avoir un peu plus chaud. »
    Le matin venu, les plus valides tentent de pêcher dans les crevasses qui s’ouvrent alentour. Ils ne prendront rien. Jamais.
    En revanche, grâce au revolver – un colt – Malmgren tue un ours ! Voilà deux cents kilos de viande qui viennent à point. Le délai s’allonge d’une possible survie. Si au moins on les entendait… Biagi émet toujours. Personne ne lui répond. À l’exception, toutes les deux heures, du lancinant message de la Città di Milano  : « Comptez sur nous. Nous organisons les secours. »
    Quant aux autres stations européennes, elles parlent de l’ Italia . On dirait même qu’elles ne parlent que de cela. Toutes, elles répètent : « Bien que l’écoute soit organisée de façon systématique, on n’a pu capter aucun message de l’ Italia . »
    De façon systématique, vraiment ? La vérité est que la radio de la Città di Milano ne se branche nullement sur la longueur d’ondes que doit utiliser l’ Italia. Le commandant du bateau, Romagna, a décidé qu’il n’y avait plus d’espoir . Donc, à quoi bon ? D’autre part, les marins de la Città s’ennuient. Ils éprouvent

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