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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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chère dame et Charles de poser ensemble devant eux. Lindbergh s’y refusa catégoriquement. Il s’enferma dans un hangar avec sa mère. Ils parlèrent pendant quelques heures. Après quoi, elle s’en fut. Comme elle montait dans la voiture qui l’avait amenée, Charles s’approcha. Elle ne l’embrassa pas, se contenta d’une tape dans le dos :
    — Au revoir et bonne chance, Charles, dit-elle.
    — Au revoir, maman, répondit-il.
    Lindbergh devait dire : « La façon dont les journalistes ont agi lors de la venue de ma mère m’a enlevé toute espèce de considération pour eux. Peu leur importait de la blesser dans ses sentiments ou de lui faire craindre pour ma vie pourvu qu’ils eussent leurs photos et leurs articles. Savait-elle que son fils allait entreprendre un vol extrêmement dangereux ? Savait-elle que des aviateurs beaucoup plus âgés et expérimentés s’étaient déjà tués dans la même tentative ? »
    Les circonstances climatiques étaient exécrables. Pour partir, Lindbergh attendait la première éclaircie. Cela dura des jours et des jours. Le 19 mai, il se mit en route pour aller dîner au Club des journalistes de New York : impossible de se dérober à leur invitation. Il conduisait lui-même sa voiture où avaient pris place quelques amis, dont le président de la compagnie Ryan. On voyait à peine devant soi, tant la brume était épaisse. Pourtant, quelqu’un eut l’idée de téléphoner à la météo. Surprise : le temps devenait meilleur sur l’Atlantique.
    Plus question de dîner au Club des journalistes. À toute allure, Lindbergh repartit pour Long Island.
    L’amélioration du temps se confirmait. Lindbergh déclara qu’il partirait le lendemain matin. En attendant, il lui fallait dormir. Il s’enferma dans sa chambre d’hôtel, cependant que les journalistes envahissaient le bar, le salon et les couloirs. Ils parlaient si fort, ils faisaient tant de bruit qu’il lui fut impossible de fermer l’œil. À 2 h 45, il se résigna, se leva, s’habilla. Il savait dès le début qu’il devrait rester éveillé pendant plus de trente heures. Il comprenait maintenant qu’il lui faudrait ajouter à cette veille si dure la nuit blanche qu’il devait aux représentants de la presse.
     
    Quand il arrive sur le terrain, le temps est redevenu mauvais. Tant pis. Le sort en est jeté. Il partira à l’aube. On remplit les réservoirs. Lindbergh monte dans la carlingue, referme la porte. On lance l’hélice – l’hélice unique. Le moteur ne donne pas le rendement prévu. Lindbergh coupe les gaz. Vérification. Second essai. De nouveau, un régime peu satisfaisant. Autour de l’appareil, tous regardent Lindbergh. Le vent s’est mis à souffler. Il va falloir l’affronter au décollage avec un poids énorme, une surcharge d’essence, prévue certes, mais que Lindbergh n’a pas encore testée.
    Il pèse le pour et le contre. Et soudain, écrira-t-il, « la conviction monte en moi que les roues quitteront le sol, que les ailes franchiront les fils télégraphiques victorieusement, que le moment est bien venu d’entreprendre le vol ».
    Il lève la main. Sur la piste, tous ont compris. On retire les cales. Les roues de l’appareil s’enfoncent dans la glaise trempée. Il faut que les aides se mettent à huit pour le pousser. Le Spirit of Saint Louis roule avec une lenteur qui désespère tous les témoins. Il semble que son poids doive à jamais l’attacher à la terre, puis il prend de la vitesse. On voit les roues se soulever, puis de nouveau il touche le sol. Il roule de plus en plus vite, accomplit deux ou trois bonds, retombe et – enfin – décolle.
    Tous, à terre, hurlent :
    — Ça y est !
    Lindbergh a si bien raconté sa traversée de l’Atlantique que vouloir après lui l’évoquer en détail n’aboutirait qu’à le paraphraser.
    Il suffit de se souvenir des orages qu’il a essuyés sur la Nouvelle-Écosse, du grand tour qu’il a accompli au-dessus de Saint-Jean de Terre-Neuve pour être sûr que son passage serait aperçu. Après quoi, sans appel, il a mis le cap à l’est. Il y a alors onze heures trente-trois minutes qu’il a quitté Roosevelt Field.
    À 20 h 15, la nuit est venue. La nuit et aussi le brouillard. Impossible de plus rien distinguer. Le froid a envahi la carlingue. Aussitôt Lindbergh a pensé au givrage. Le givre qui s’accumule sur les ailes et sur le fuselage, c’est l’impossibilité tout à coup de

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