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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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manœuvrer. Le poids entraîne – irrésistiblement – l’avion vers le bas. Ce dont s’aperçoit Lindbergh, c’est que le nuage qu’il tente de traverser n’est pas seulement composé de brouillard mais de cristaux gelés. Que faire ? Continuer.
    Le moteur tourne rond. Trop rond peut-être, car le bruit monotone conduit le pilote peu à peu à la somnolence. Heureusement, il y a le froid extérieur. Lindbergh s’interdit de fermer les vitres. Il faut, il faut absolument qu’il reste éveillé.
    Il regardé sa montre. Il y a dix-sept heures qu’il vole. Il n’a pas dormi depuis quarante-huit heures ! Quoi qu’il fasse, ses paupières se ferment. Il tente de les tenir ouvertes entre ses doigts ; les paupières se révèlent les plus fortes.
    Dix-huit heures de vol. Dans son journal de bord, il note qu’il a accompli la moitié du parcours. Les cinq heures qui suivent, il lutte toujours. Contre le brouillard, contre le sommeil.
    Et voici le jour. Va-t-il s’éveiller ? Non. Il se souviendra qu’il a volé à demi inconscient pendant des heures. Il lui faut encore tenir dix heures au moins. Comment garder les yeux ouverts, une fois pour toutes ? Il passe la tête par la glace ouverte, se laisse fouetter par le vent glacé, boit littéralement l’oxygène. Le miracle s’accomplit : il n’a plus du tout sommeil. Il se sent aussi vaillant qu’au départ. Il constate que le vent souffle maintenant de l’arrière. Ce qui – incontestablement – soutient son vol.
    Des heures encore. Qu’est-ce donc que ces petits points noirs devant lui ? Des mouettes, bien sûr. Des mouettes, cela veut dire la terre proche. Bientôt, ce qu’il aperçoit sur la mer, ce sont des bateaux de pêcheurs. Ils lui confirment qu’il approche d’une terre. La voilà, cette terre : c’est l’Irlande ! Il reconnaît la côte, constate que, sur sa route, il n’a commis qu’une erreur de cinq kilomètres. On lui aurait parlé de quatre-vingts qu’il n’aurait pas été surpris. Cinq kilomètres ! « Avant d’accomplir ce vol, j’aurais dit que c’était de la chance. Mais ce mot me paraît maintenant trop banal ; il ne peut être utilisé que par ceux qui n’ont jamais vu le rideau tiré ou ne se sont jamais trouvés loin de la vie. »
    Sans doute n’est-il qu’à quatre heures de Paris. Il accélère, vole maintenant à 177 kilomètres à l’heure.
    Et voilà la côte française ! Normalement, il doit atterrir au Bourget une heure plus tard. Le lecteur le croira-t-il ? À cet instant précis, il a pensé qu’il n’avait pas de visa et que cela poserait peut-être un problème à l’atterrissage ! Aussitôt, il éprouve une pensée de tendresse et d’amour pour son avion : « On dirait une créature vivante glissant agréablement, heureusement, comme si le succès lui importait autant qu’à moi… Ce vol au-dessus de l’Océan, c’est nous qui l’avons fait, non pas moi ou lui. »
    La nuit est tombée. Il voit au loin Paris rutiler de toutes ses lumières. Il distingue clairement la tour Eiffel illuminée : la fameuse publicité Citroën. Il se donne le plaisir de voler tout droit vers elle, de la contourner. Ce n’est qu’après qu’il met le cap sur le Bourget. Sur la route qui conduit à l’aérodrome, il discerne un énorme embouteillage, une interminable file d’automobiles, pare-chocs contre pare-chocs, qui toutes semblent se diriger vers l’aérodrome. Le croira-t-on encore ? Pas une seconde, il n’en vient à penser que ce sont là les voitures de gens venus pour lui. Voici la piste, le hangar. Il atterrit.
    Cent mille personnes. Cent mille qui avaient gagné le Bourget dès que l’on avait appris que le Spirit of Saint Louis avait été vu au-dessus de l’Irlande. À peine les roues de l’appareil touchèrent-elles le sol, que cette foule rompit tous les barrages, se rua. Les gens hurlaient, pleuraient. Dès que Lindbergh eut entrouvert la porte de l’avion, il fut happé, enlevé. Il ne comprenait toujours pas. Il posa cette question bien digne de lui :
    — Y a-t-il ici quelqu’un qui parle anglais ?
    Il se sentait emporté comme sur la crête d’une immense vague. On lui arracha son casque de cuir. D’autres touchaient ses vêtements, comme ils eussent fait de ceux d’un dieu. Ce furent deux aviateurs français, Détroyat et Delage, qui le sauvèrent. Ils placèrent son casque sur la tête d’un grand Américain qui se trouvait là. Dès lors, on prit

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