C'était le XXe siècle T.1
l’empereur.
L’archiduchesse Marie-Thérèse plaida sa cause. Finalement et de guerre lasse, François-Joseph accepta le mariage, mais il exigea qu’il lut morganatique. Comprenez que, par contrat et serment, François-Ferdinand dut renoncer, pour les enfants que Sophie lui donnerait, à tout espoir de succession au trône. En 1900, il épousa la femme qu’il aimait depuis cinq ans. Elle avait trente-deux ans, lui trente-sept.
Pauvre Sophie ! À chaque instant, elle va se heurter aux règles implacables du protocole. Elle est l’épouse de l’héritier du trône, la mère de ses enfants, mais par elle-même elle n’est rien. Le rang qu’on lui assigne dans les cérémonies officielles est toujours humiliant. Sans cesse, elle se sent offensée, voire insultée. À ce point qu’elle finira par renoncer à paraître à la cour. En 1909, du bout des lèvres, l’empereur fera d’elle une duchesse de Hohenberg, mais spécifiera avec dureté qu’elle prendrait rang après les plus jeunes des archiduchesses.
Une telle situation aurait pu distendre les liens qui unissaient François-Ferdinand et Sophie. Le contraire se produisit. Le pape Pie X disait en souriant : « L’archiduc ne voit que par les yeux de sa femme. »
En politique, François-Ferdinand s’est campé comme « défenseur du monde chrétien ». Il répète sans se lasser qu’il déteste le libéralisme, la franc-maçonnerie et les Juifs. L’un de ses meilleurs amis n’est autre que le maire de Vienne, Karl Lueger, lequel proclame volontiers qu’il faut embarquer tous les Juifs sur un immense bateau que l’on coulera en haute mer. On comprend assez bien que, plus tard, un certain Adolf Hitler ait pu déclarer que Lueger avait été « le plus grand maire allemand de tous les temps ».
Lueger se montre adversaire farouche de l’autonomie hongroise dans l’empire. Il prône la réunification de l’Autriche. François-Ferdinand, disciple zélé, prend la tête des ultra-nationalistes autrichiens. Il ne cache pas l’hostilité qu’il ressent pour les protestants, trop enclins à ses yeux à soutenir les idées libérales. Chef du parti militaire, il s’appuie avant tout sur l’armée (7) .
En 1913, François-Ferdinand devient inspecteur général des Forces armées. Qui s’étonnerait qu’il ait pris sa tâche extrêmement au sérieux ? En ce temps-là, l’archiduc se révèle un homme solitaire, en conflit avec tout le monde : avec François-Joseph, avec les archiducs, avec le gouvernement, avec la cour. Aussi avec les Magyars et les groupes nationaux des Slaves du Sud.
Voilà prononcée l’expression clé. S’il n’avait pas existé de Slaves du Sud et, à leur propos, un problème aigu, nul n’aurait tiré de coups de feu à Sarajevo.
Pour tenter de comprendre ce problème, il nous faut quitter l’archiduc et mettre nos pas dans ceux de l’homme qui deviendra son assassin, Gavrilo Princip. Car ce Princip est originaire de Bosnie.
La Bosnie ? Qui, avant les événements tragiques qui ont désolé l’ex-Yougoslavie à la fin de ce siècle, était capable de la situer sur la carte ? Pour les écoliers et les lycéens, la question balkanique s’est toujours révélée un casse-tête quasiment insoluble. Il faut savoir pourtant que dans des temps très reculés – au Moyen Âge – existait déjà un royaume de Serbie, que celui-ci avait même absorbé toute la péninsule balkanique, y compris la Grèce. Que l’on avait alors sacré un empereur des Serbes et des Grecs. Il faut savoir aussi que la Bosnie formait également un royaume. Après quoi les Turcs avaient occupé les Balkans.
Adieu la Serbie, adieu la Bosnie ! Entre les deux pays ne demeurait qu’un trait commun : l’amer regret de la liberté perdue.
Le XIX e siècle tout entier a été marqué par d’incessantes révoltes serbes contre l’occupant turc. En 1804, un certain Georges Karageorgevitch prend la tête de l’insurrection nationale. Quelques années plus tard, il est assassiné sur l’ordre d’un Miloch Obrenovitch qui se proclame prince héréditaire des Serbes.
Tout au long du XIX e siècle, les Karageorgevitch et les Obrenovitch vont se livrer une lutte acharnée : complots, assassinats. Les uns et les autres se retrouvent unis contre les Turcs. Il faut qu’ils prennent une dernière fois les armes pour que l’Europe, réunie en 1878 à Berlin en congrès, édifie une Serbie indépendante. En 1889, Alexandre I
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