C'était le XXe siècle T.1
dire que, vers 1910, l’idée est dans l’air. Plusieurs attentats ont été fomentés déjà contre des personnalités autrichiennes. Les uns ont réussi, d’autres échoué. Chaque fois qu’il en a reçu la nouvelle, Princip a ressenti la même exaltation. Nous avons la preuve qu’il s’en est entretenu avec nombre de Jeunes Bosniaques, notamment Danilo Ilitch. Ce dernier vibrait à ce point à l’unisson des idées de Princip qu’il avait pensé de son côté à tuer le gouverneur de la Bosnie, le général Potiorek.
Dès l’automne de 1913, le besoin de commettre un attentat tourmente un autre Jeune Bosniaque, un ouvrier imprimeur du nom de Chabrinovitch. En 1912, Princip l’a rencontré à Sarajevo. Ils ont sympathisé. En mars 1914, ils vont se retrouver à Belgrade.
Décidément, l’ère des seules intentions est bien révolue. Deux mois plus tôt, quelques Jeunes Bosniaques se sont réunis en France, à Toulouse. Eux aussi ont décidé que devait mourir soit le gouverneur autrichien Potiorek, soit l’archiduc François-Ferdinand. Ce qui nous intéresse, ici, c’est que la nécessité d’un assassinat exemplaire semble désormais non seulement admise mais exaltée.
En mars, quand Princip retrouve Chabrinovitch, il lui révèle qu’il est décidé à tuer l’archiduc. Quelques jours plus tard, Chabrinovitch reçoit de ses amis de Belgrade une enveloppe qui contient une coupure de presse et rien d’autre. Elle annonce la prochaine visite de l’archiduc François-Ferdinand en Bosnie, à l’occasion des grandes manœuvres. Cet article de journal, Chabrinovitch court le montrer à Princip qui, à cette époque, partage une chambre avec le fils d’un pope, un nommé Grabez, bosniaque lui aussi. Princip lit l’article sans ajouter aucun commentaire. Seulement il donne rendez-vous à Chabrinovitch pour le soir même, dans un parc.
La nuit est tombée. Les deux hommes sont assis sur un banc. Princip se tourne vers Chabrinovitch. Presque solennel, il lui demande de se joindre à lui pour assassiner François-Ferdinand. De la part de Chabrinovitch, pas la moindre hésitation : il accepte. Ils agiront donc ensemble. Ils se donnent mutuellement leur parole d’honneur d’aller jusqu’au bout et se quittent. Comme il leur est apparu nécessaire de recruter un troisième homme, Princip s’adresse à Grabez. Et Grabez accepte.
Attention : ce que le lecteur vient de lire, c’est la version que les intéressés ont rapportée eux-mêmes. On doit savoir qu’il en existe une autre. Il semble bien que le comité de La Mort ou la Vie se soit réuni quelque temps plus tôt, sous la présidence du Bosniaque Charac, et que, de sa propre initiative, il ait décidé l’exécution de l’archiduc, désignant Princip comme agent d’exécution. À noter que Charac avait été garde du corps du major Tankositch, l’un des chefs de la Main noire. Après leur arrestation, fidèles à leur serment, Princip, Chabrinovitch et Grabez n’ont rien voulu révéler des ordres qui leur avaient été donnés. D’où la version simplifiée apportée par eux.
L’important, maintenant, c’est de trouver des armes. Princip sait qu’un certain Ciganovitch est à même de procurer des bombes et des revolvers. Il s’adresse à lui. Ciganovitch répond qu’il faut obtenir l’accord d’un monsieur . Le monsieur n’est autre que le major Tankositch. Toujours la même filière. Toujours les sociétés secrètes. Ciganovitch, ayant reçu le feu vert, procurera six bombes et quatre revolvers.
Aussitôt qu’il entre en leur possession, Princip écrit à Danilo Ilitch, à Sarajevo, une lettre – en code – l’invitant à recruter d’autres conjurés. Grabez, qui repart pour la Bosnie, est chargé d’aller expliquer à Ilitch pour quelle raison on lui réclame ces volontaires. Ilitch en recrutera trois. Tout cela coûte de l’argent que l’on obtient de riches commerçants bosniaques. Bien sûr, on ne leur a pas parlé d’attentat mais de collecte de fonds pour créer des écoles en Herzégovine. Ainsi rassemble-t-on plus de mille dinars.
Un grave problème : comment va-t-on se rendre à Sarajevo ? Comment fera-t-on franchir la frontière de Bosnie, très surveillée, à des hommes porteurs de bombes et de revolvers ? Tankositch va résoudre le problème : on utilisera le fameux « tunnel », c’est-à-dire la filière clandestine de Belgrade à Sarajevo.
Le 28 mai, Princip, Chabrinovitch et Grabez
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