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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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er Obrenovitch en est proclamé roi. L’année suivante, il épouse la belle Draga, veuve d’un ingénieur tchèque. Détestés par les Serbes, Alexandre et Draga sont assassinés en 1903 dans leur palais de Belgrade et, quatre jours plus tard, la couronne passe à Pierre Karageorgevitch qui devient Pierre I er .
    Ainsi la Serbie – premier entre les États balkaniques – avait conquis son indépendance. Comment les Bosniaques, toujours asservis, n’auraient-ils pas regardé vers elle avec envie ? D’autant que la plupart des Bosniaques étaient de race et de langue serbes.
    C’était le cas des Princip. Cette famille de serfs vivait dans une vallée, à huit cents mètres d’altitude. Elle était orthodoxe, elle était pauvre. La situation des serfs en Bosnie se révélait si misérable qu’ils s’étaient soulevés en 1875. Les Turcs avaient répondu par une implacable répression. Les Princip avaient dû se réfugier en Autriche-Hongrie. Ayant regagné leur vallée, ils avaient reconstruit leur maison, repris la culture de leurs deux hectares. Un fils leur était venu en 1894. Né le jour de la Saint-Gabriel, on l’avait appelé Gavrilo.
    Un enfant sérieux, ce Gavrilo, mais bagarreur. Il quitte la vallée à treize ans, après avoir terminé ses études à l’école primaire. À Sarajevo, il entre à l’École de commerce. L’été, il travaille aux champs. Il est tout petit – ce qui fait naître chez lui un évident complexe –, mince avec des épaules étroites, une tête toute ronde et des yeux tristes. Il adore la lecture. Ses professeurs le notent comme très sensible, voire instable.
    De cette année-là, il dira qu’elle est restée pour lui essentielle. C’est en 1911 qu’il se découvre amoureux. Et qu’il adhère au groupe secret des Jeunes Bosniaques. On lit dans son Journal : « C’est alors que je suis devenu définitivement révolutionnaire. J’aimais toujours la même jeune fille d’un amour platonique, parce que je ne l’avais jamais embrassée. Je passais le plus clair de mon temps dans les bibliothèques. »
    Mais que sont ces Jeunes Bosniaques ? Avant tout des intellectuels qui ont résolu de consacrer tous leurs efforts à libérer la Bosnie des Autrichiens. Car l’occupant haï, maintenant, c’est l’Autrichien. En 1908, la Bosnie a été annexée à l’empire. Ce qui, pour les Bosniaques, signifie passer d’un asservissement à un autre. À leurs yeux, les Austro-Hongrois ne valent pas mieux que les Turcs. D’autant plus que les autorités autrichiennes emploient volontiers la manière forte. C’est militairement que l’on a réprimé la grève des ouvriers de 1906 et la révolte paysanne de 1910. Un sentiment unanime s’est levé : il faut libérer le peuple bosniaque du joug de l’Autriche. Jeunes et vieux partagent cette volonté. Avec une différence toutefois : les vieux tiennent à user de moyens légaux. Les jeunes sont prêts s’il le faut à utiliser la violence.
    Gavrilo Princip est jeune.
     
    Le meilleur ami de Gavrilo s’appelle Danilo Ilitch, un instituteur. Comme Danilo est membre des Jeunes Bosniaques, Gavrilo Princip a suivi son exemple.
    Au printemps de 1912, avec beaucoup d’autres lycéens, Princip se lance dans des manifestations véhémentes organisées contre les autorités de Sarajevo. On le renvoie du lycée. Ce jour-là, son destin est scellé. Il décide de gagner Belgrade. À pied.
    Belgrade, pour lui, c’est la liberté. Il voit cette ville comme la capitale de la future Yougoslavie  – déjà les révolutionnaires usent de ce nom – qui groupera un jour les Croates, les Bosniaques, les Serbes. Un signe : quand Princip traverse la frontière, il embrasse la terre de Serbie.
    À Belgrade, avec le peu d’argent que lui envoie son frère, il végète. Il a faim. Il s’est inscrit au lycée. En juin 1912, il rate ses examens et sollicite son engagement dans l’armée qui part en guerre contre la Turquie. Il est refusé à cause de sa petite taille. Encore ces centimètres qui lui manquent si cruellement ! Il en souffre de plus en plus. L’idée peu à peu s’impose à lui d’entreprendre un jour quelque chose d’héroïque pour montrer aux autres qu’il est leur égal, sinon par la taille, du moins par le courage.
    À l’été de 1913, il passe de nouveau ses examens de 5 e et 6 e années. Déjà il a adhéré à une société secrète, la Narodna Obdrana , autrement dit : « Défense de la

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