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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Il attend ce qu’il faut. Après quoi, d’une main sûre, il lance la grenade vers la voiture de l’archiduc.
    Le chauffeur, un Tchèque, voit un objet noir voler dans sa direction. Aussitôt, mû par un réflexe excellent, il accélère. Il s’en faut de quelques centimètres : la grenade s’abat sur la capote repliée à l’arrière. Elle rebondit sur la chaussée et explose sous la roue gauche arrière de la voiture suivante, creusant dans la chaussée un trou large de vingt-huit centimètres sur trente-cinq, profond de dix-sept centimètres, et blessant une douzaine de personnes. Le pavé est défoncé, les vitres des maisons voisines ont volé en éclats. Deux ou trois poteaux électriques se sont abattus sur le quai ou sur les toits des maisons voisines.
    Un ordre hurlé par François-Ferdinand fait arrêter net sa voiture. Erreur qui pourrait se révéler fatale. L’héritier du trône va jusqu’à se mettre debout sur le marche pied pour mieux comprendre ce qui vient de se passer. Impérieusement, il demande au comte Harrach de prendre des nouvelles des blessés autour desquels s’affaire déjà le docteur Fisher.
    Alors il s’aperçoit que Sophie est blessée au cou. Au vrai, ce n’est qu’une égratignure et elle s’évertue à le rassurer. François-Ferdinand entre dans une colère violente. Il hurle :
    — À l’hôtel de ville ! À toute allure !
    Pendant ce temps, Chabrinovitch a avalé la capsule de cyanure qu’il portait sur lui. Faisant bonne mesure, il saute dans la rivière, accomplissant un bond de sept à huit mètres. Les policiers bondissent derrière lui, le rattrapent, le trouvent sain et sauf, le ceinturent. Il hurle :
    — Je suis un héros serbe !
    Cependant qu’on l’emmène, il attend la mort qu’aurait dû lui ménager le cyanure. En vain. Le poison, sans doute éventé, ne produit aucun effet.
    Quand la voiture de l’archiduc s’est arrêtée, Princip ne se trouvait pas loin. Pourquoi n’a-t-il pas tiré ? En fait, il n’a pas reconnu François-Ferdinand. Dans quelle voiture l’archiduc pouvait-il bien se trouver ? Il n’a guère eu le temps de résoudre le problème : la voiture a redémarré à vive allure.
    Princip a raté son coup.
     
    À l’hôtel de ville, le maire attend, entouré de ses conseillers municipaux, les chrétiens d’un côté, en habit, chapeau haut-de-forme à la main ; les musulmans de l’autre, avec leur fez, leur veste ouverte et leur pantalon bouffant. Dès qu’il aperçoit l’archiduc, le maire entame le discours préparé de longue date et qui doit marquer l’heure suprême de sa vie :
    — Votre Altesse Impériale et Royale ! Votre Altesse ! À l’occasion de la gracieuse visite dont Vos Altesses ont daigné honorer la capitale de notre pays, nos cœurs débordent de bonheur…
    Il n’ira pas plus loin. Furieux, l’archiduc l’interrompt :
    — Monsieur le Maire, à quoi bon ce discours ? Je viens à Sarajevo en visite amicale et on me lance une bombe ! C’est indigne…
    Bouche bée, l’infortuné maire semble frappé par la foudre. La duchesse s’avance, murmure quelques mots à l’oreille de François-Ferdinand. Il semble hésiter, puis, plus calme :
    — Maintenant, vous pouvez continuer votre discours.
    Le maire obéit de son mieux. Il balbutie :
    — Notre profonde gratitude pour la paternelle bienveillance de Votre Altesse… à l’égard du plus récent joyau de la sainte Couronne Impériale, notre chère patrie, la Bosnie-Herzégovine…
    Il transpire à grosses gouttes, parvient enfin au bout de son épreuve. Il est prévu que l’archiduc lui réponde. On cherche le chambellan qui doit lui remettre le texte de son allocution. Il n’est pas là – et pour cause : il se trouvait dans la voiture sous laquelle la grenade a explosé ! On attend de longues minutes. Hors d’haleine, le chambellan apparaît enfin. L’archiduc lui arrache son papier et tressaille : les feuilles sont humides du sang versé par les officiers blessés.
    François-Ferdinand lit le texte préparé et, parvenu à la péroraison, improvise :
    — C’est avec un plaisir tout particulier que j’ai reçu l’assurance de votre indéfectible attachement à Sa Majesté, notre gracieux empereur et roi, et je vous remercie du fond du cœur, monsieur le Maire, de l’ovation enthousiaste que la population nous a réservée, à mon épouse et à moi-même. Je le dis d’autant plus volontiers que je vois

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