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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Comme prévu, ce mercredi, des renforts anglais arrivent de Kingstown. Ils tombent dans l’embuscade tendue à la minoterie Boland par De Valera. Les pertes anglaises seront lourdes et les renforts stoppés pendant de longues heures. Partout, à travers la ville, la pression britannique se fait plus pesante. Partout, on utilise le canon, d’ailleurs à tort et à travers. On fait donner une pièce de 230 contre un seul tireur insurgé. Les immeubles s’abattent, des quartiers entiers sont éventrés. Des incendies s’allument. Les habitants se réfugient dans les caves ou s’enfuient dans d’autres quartiers. Les vivres commencent à manquer.
    Au soir du mercredi, l’hôtel des postes tient toujours.
     
    La nuit encore. L’interminable nuit. Au loin, la lueur des incendies, le tir des mitrailleuses. Le moral qui se mine. Des hommes qui tremblent. Ils ont froid, ils ont faim, ils ont peur.
    Patrick Pearse se tourne vers l’un de ses disciples :
    — Nous serons impitoyablement balayés, et le peuple d’Irlande nous condamnera et nous accablera pour ce que nous avons fait. Mais plus tard il comprendra les raisons de notre combat. Les héros et les saints sont toujours crucifiés, mais ils ressuscitent pour être adorés par ceux qui les ont crucifiés.
    Jeudi 27. On en est au quatrième jour de l’insurrection. À 10 heures du matin, un obus frappe l’imprimerie de l’un des journaux de Dublin, l’ Irish Times , sur O’Connell Street. L’immeuble prend feu. Très vite, l’incendie se propage d’immeuble en immeuble. La rue brûle. Le quartier brûle.
    Des fenêtres de la poste, les insurgés ne voient plus que des flammes et de la fumée. À l’abri de ce rideau opaque, les Anglais s’élancent. Le feu roulant des Volontaires a l’affût dans l’hôtel Métropole et la fabrique de chaussures Manfield les arrête net. Il faut lire dans le grand roman d’O’Flaherty, Insurrection , le récit de ces combats enragés, de l’héroïsme déployé, de la sainte colère qui secouait ces Irlandais, des souffrances inouïes éprouvées. Parfois l’historien a besoin, pour mieux comprendre, du regard du romancier. Bouleversant celui-ci. Dans la zone de Mount Street Bridge, un petit groupe de Volontaires s’est barricadé dans trois bâtiments. Ils vont résister pendant près de vingt-quatre heures aux assauts de deux bataillons britanniques.
    Aux alentours de la poste, la pression anglaise se fait insupportable. Sans cesse, sur les positions avancées, s’abattent les obus incendiaires. Du milieu des flammes, les Volontaires jaillissent pour tenter de rejoindre la poste. Ils se jettent ainsi sous le feu des Anglais qui ont tourné leurs positions. Presque tous sont abattus. Les survivants sont faits prisonniers.
    Après quoi, l’artillerie concentre son tir sur la poste elle-même. Tout autour, le quartier brûle, la fumée envahit l’intérieur de la poste, l’atmosphère est devenue irrespirable. Bientôt, c’est l’évidence, les Anglais feront irruption et l’emporteront. Debout au milieu du hall, Pearse donne son sens à la bataille perdue :
    — Durant ces quatre jours, vous avez gravé par le feu et l’acier le chapitre le plus glorieux de l’histoire d’Erin… Ce que vous avez fait est sans prix. Vous avez lavé Dublin de sa honte.
    Connolly préfère l’action aux belles paroles. Il ne veut pas être pris dans la poste comme dans un piège à rats. Il veut tenter une sortie. Il tonne :
    — Je demande trente hommes qui n’aient pas peur de sortir dans la rue !
    Les voilà, les trente hommes. Derrière Connolly, dans l’enfer de feu et de flammes, ils progressent. Ce que veut Connolly, c’est construire une barricade sur Prince’s Street afin de stopper les Anglais quand ils donneront l’assaut définitif à la poste. La barricade s’élève rapidement. Un coup de feu entre mille : Connolly chancelle. Une balle l’a frappé à un bras. Sans rien montrer, il annonce qu’il regagne la poste pour un instant, ce ne sera pas long. Là, on le soigne, on le panse. Quand il regagne la barricade, personne ne s’est aperçu de rien. Il comprend vite que la position est devenue intenable. Il disperse ses Volontaires dans deux immeubles voisins. Les Anglais mitraillent et tirent de plus belle. Connolly chancelle de nouveau. Cette fois, la balle lui a fracassé une cheville. Il s’abat, jette un coup d’œil à sa cheville qui n’est plus que bouillie écarlate. La

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