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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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souffrance est horrible. Il rassemble ses forces, rampe, se traîne, s’évanouit. Un Volontaire l’aperçoit, le soulève, l’emporte en courant jusqu’à la poste. Un médecin anglais prisonnier l’opère, sans chloroforme. Connolly se cramponne pour ne pas hurler. À la fin il gouaille :
    — Décidément, lieutenant, vous êtes notre plus intéressante capture de la semaine.
     
    Dehors, l’incendie roule et gronde. Non loin de là, un dépôt de produits chimiques a pris feu. Les réservoirs, l’un après l’autre, explosent. Les derniers Volontaires qui tiennent l’hôtel Impérial doivent évacuer la position quand le feu les rejoint. La plupart sont réduits à l’état de cadavres par le tir des mitrailleuses, quelques-uns seulement rejoignent la poste. À bout de forces, Joseph Plunkett, la voix sifflante, les pommettes rouges, les yeux brillants de fièvre, se cramponne à une fenêtre :
    — C’est fantastique ! La première fois depuis Moscou ! La première fois, depuis 1812, qu’une capitale brûle !
    Pourquoi les Anglais n’ont-ils pas donné l’assaut ce soir-là ? Pour faire durer le plaisir ?
    Au matin du vendredi, Connolly s’est fait porter dans le hall. Il ne veut pas quitter ses soldats. Il veut se trouver au milieu d’eux quand viendra l’assaut. Depuis l’aube, le fracas de l’artillerie et des mitrailleuses a repris. À 15 heures, un obus incendiaire explose dans les combles de la poste. Aussitôt, le feu se propage. Les deux derniers étages brûlent. Les murs s’écroulent. Le feu gagne la cage d’escalier, embrase la majeure partie du bâtiment. Décidément, c’est fini. Soudain, un chant s’élève : les trois cents hommes survivants entonnent le Chant du soldat . Certains sont à genoux, d’autres égrènent leur chapelet. D’autres, debout, s’appuient au mur.
    C’est Pearse qui lance l’ordre :
    — Évacuez la poste. En ordre et en silence.
    Comment une telle sortie pourrait-elle réussir ? À peine dehors, les insurgés se voient obligés de se réfugier dans une maison où les Anglais les encerclent. Tout l’après-midi, on tient. On décide de gagner les maisons mitoyennes en abattant les cloisons. Les hommes creusent, creusent avec acharnement. Tout à coup, des cris dans la rue. Ce sont des civils qui agitent des drapeaux blancs. Tapis dans les immeubles voisins, la sortie des insurgés les a jetés au cœur de la bataille. Ils demandent grâce. Pour Pearse, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Après tout, ces civils n’ont rien demandé. Pourquoi les entraîner dans la mort ? Le samedi 29 avril, à 12 h 45, une infirmière, qui agite un drapeau blanc, apporte dans les lignes anglaises un message de Pearse pour le général Lowe : « Le commandant général des armées républicaines souhaite entrer en pourparlers avec le général commandant les troupes anglaises. »
    La réponse sera : reddition sans conditions. Pearse accepte de capituler. Il se rase, brosse son uniforme et suit l’infirmière auprès du général anglais. Quel face à face, que celui de ces deux hommes qui se sont affrontés tout au long de la semaine ! Quelques mots cérémonieux. Pearse tend son épée à Lowe. Une voiture l’emmène.
    Un peu plus tard, quatre Volontaires sortiront de leur dernier refuge, portant sur un brancard James Connolly. Sa cheville est atteinte par la gangrène, il souffre atrocement.
    Les uns après les autres, les Volontaires se rendent. Des messagers sont allés porter la nouvelle aux quatre coins de Dublin. À la minoterie Boland, les hommes de De Valera ont brisé leurs fusils avant de se rendre. De Valera lui-même, la rage au cœur, est prisonnier des Anglais. Comment ceux qui le bousculent sans indulgence pourraient-ils imaginer qu’ils escortent le futur président de la République irlandaise devenue libre ? Au Collège de chirurgie, les derniers survivants – ils ne sont guère – suivent dans un silence absolu la comtesse Markievicz jusqu’aux lignes britanniques. Le soir, à 21 heures, l’insurrection est morte. Définitivement. Seuls les Volontaires réfugiés sur les toits tiraillent encore çà et là, parce que nul n’a pu leur porter la nouvelle de la capitulation.
     
    D’Angleterre, le général sir John Maxwell est arrivé, avec des ordres précis. Il faut punir et réprimer. Il faut mater l’Irlande, au moins jusqu’à la fin de la guerre en Europe.
    Le 3 mai, les exécutions

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