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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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commencent. Tom Clarke, Patrick Pearse, Thomas MacDonagh sont jugés par une cour martiale et exécutés le jour même. Le lendemain, c’est au tour de Joseph Plunkett. Au dernier moment, il a reçu l’autorisation d’épouser sa fiancée. Trois autres tombent sous les balles du peloton d’exécution. Le 5 mai, Sean MacBride est passé par les armes. Il s’était battu aux côtés des Boers, contre les Anglais. Ceux-ci ne le lui ont pas pardonné.
    Le 8 mai, quatre exécutions capitales. Le 9, on fusille Thomas Kent. James Connolly, lui, a été conduit à l’hôpital où, depuis la reddition, on lui prodigue des soins éclairés. Le 12, au matin, une ambulance vient le chercher, le conduit jusqu’au lieu du supplice. On l’assied sur une chaise. On le fusille.
     
    Étrange réaction des foules. Les Irlandais qui s’étaient montrés si hostiles à l’insurrection, si injustes à l’égard des insurgés, vont ressentir l’horreur de ces exécutions. Ils ont compris – enfin – que ceux qui meurent sont les meilleurs d’entre eux. Devant la prison où l’on fusille, des foules s’assemblent. Des gens bouleversés qui disent ensemble leur chapelet, qui prient et qui pleurent.
    De l’Irlande, la protestation unanime gagne l’Angleterre, puis le monde libre. Le premier qui demande l’arrêt de cette tuerie n’est autre que George Bernard Shaw. D’outre-mer, les dominions protestent. Du fond de leurs tranchées, les soldats irlandais crient leur révolte.
    Le gouvernement d’Asquith plie. On met fin aux exécutions. Le dernier mort sera sir Roger Casement. Citoyen britannique, il a, en temps de guerre, négocié avec l’Allemagne. Il est condamné pour haute trahison et pendu.
    L’Histoire a donné raison à Patrick Pearse. La défaite des insurgés est en fait une victoire. Cinq ans plus tard, le 6 décembre 1921, les Anglais reconnaîtront l’État libre d’Irlande, auquel ils accorderont le statut de dominion. Le riche Ulster demeurera partie intégrante du Royaume-Uni. En 1937, l’Irlande retrouvera son nom gaël d’Eire. Enfin, en 1949, la République d’Irlande accédera à l’indépendance totale. Pour en arriver là, que de larmes, que de sang !
    Souvenons-nous : au soir du samedi 29 avril 1916, les derniers Volontaires livrés aux Anglais passèrent devant la statue de Charles Stewart Parnell et ils purent lire, sur son socle, cette devise gravée en lettres d’or : « Aucun homme n’a le droit d’arrêter la marche en avant d’une nation. »

VIII

Vincent Moulia,
condamné pour l’exemple
    7 juin 1917
    Nuit du 11 au 12 juin 1917. À Maizy, département de l’Aisne, cinq hommes se morfondent dans la réserve à betteraves de la ferme Duchainay. Cinq poilus comme on disait alors. Ils sont là, dans leur uniforme bleu horizon, crasseux, délavé. Une défroque plus qu’un uniforme. La pluie, la boue, la neige, le sang, pendant des mois et des années, tout cela laisse des traces.
    Cinq soldats : Cordonnier, Didier, Garrel, Laplacette, Moulia. Le seul gradé s’appelle Moulia. Il est caporal. Dans la puanteur de la réserve à betteraves, ils attendent la mort. Quatre jours plus tôt, un conseil de guerre les a condamnés à être passés par les armes. Motif : mutinerie.
    Le président de la République, Raymond Poincaré, le premier, a appelé 1917 l’année trouble . Au vrai, cette année-là, tout a failli basculer. Cette magnifique armée française qui, depuis trois années, s’arc-boute contre la formidable pression allemande, il s’en est fallu de très peu qu’elle ne s’abandonne et ne lâche, en quelques heures, le terrain qu’elle a, au prix de tant de souffrances, si opiniâtrement défendu.
    L’année trouble, c’est beaucoup de choses : en janvier, le président américain Wilson propose de mettre fin aux hostilités par une « paix sans victoire ». Le 8 mars 1917, le nouvel empereur d’Autriche, Charles I er , entame des pourparlers pour une paix de compromis. En Russie, la révolte éclate à Petrograd. Huit jours plus tard, le tsar Nicolas II abdique. D’évidence, l’allié de l’Est va faire défaut, permettant aux divisions allemandes de se rabattre sur le front français. Le 2 avril, les États-Unis déclarent la guerre aux puissances centrales, mais nul ne sait quand les Américains seront en mesure d’apporter une aide efficace, en hommes et en matériel. L’année trouble, c’est, surtout, pour les combattants français,

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