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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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où l’on creuse des tranchées et où l’on élève des barricades de voitures. Le retranchement de Saint-Stephen est commandé par Michael Collins et la comtesse Markievicz. On s’empare aussi de la South Dublin Union, un lacis de bâtiments vétustes où l’on peut résister longtemps. Une autre position très forte a été occupée : la minoterie de Boland d’où l’on tiendra en respect les renforts anglais qui ne manqueront pas de survenir par la route de Kingstown. L’officier qui commande là se nomme Eamon De Valera. On a failli prendre aussi le château de Dublin mais, après avoir tué le soldat de garde, les vingt hommes chargés de l’opération, persuadés que leur infériorité numérique était rédhibitoire, se sont repliés. Ils ont eu tort. La château n’était pratiquement pas défendu.
    Pour le moment, aucune réaction des Britanniques. Entièrement prises au dépourvu, l’armée et la police ! Les policemen qui faisaient les cent pas devant la poste ont préféré s’éclipser.
    C’est alors que des Volontaires, grimpés sur le toit de la poste, ont hissé les deux drapeaux, celui de l’indépendance et celui de la République. C’est alors que les chefs de l’insurrection sont sortis sur le perron. Que Pearse a lu sa proclamation. Après quoi il est rentré dans la poste, avec ses amis. Connolly s’est penché vers Pearse :
    — Pearse, je remercie Dieu d’avoir vécu assez vieux pour voir ce jour.
     
    Rien de plus authentique que cet élan. Or ni Connolly ni Pearse ne croient à leur victoire. La meilleure explication de cet état d’esprit, Pierre Joannon l’a donnée : « Ils voulaient frapper l’opinion irlandaise en particulier et l’opinion mondiale en général, par un acte de révolte audacieux et durable qui réveillerait les Irlandais de leur torpeur et réaffirmerait à la face des nations leur droit à l’autodétermination. Ce n’était point une révolution ni une émeute. C’est ce que les Anglais appellent un rising , terme on ne peut plus adéquat, qui signifie à la fois soulèvement et résurrection. »
    D’autres bâtiments tombent aux mains des Volontaires qui, indifférents à tout – et d’abord aux réactions hostiles de la foule – s’emparent d’une biscuiterie, du dépôt de mendicité, d’une brasserie, coupent les voies ferrées et les lignes téléphoniques. Ces succès ont pour effet de renforcer la petite armée des insurgés. Les Volontaires qui, troublés par les ordres et contrordres, n’avaient pas rejoint, le font au début de l’après-midi. Au soir de ce lundi de Pâques, les troupes de l’insurrection compteront environ 1 100 hommes. Qui, tous, auront déjà subi le baptême du feu.
     
    À 13 h 15, un nouveau groupe de Volontaires s’est présenté devant l’hôtel des postes, au moment même où un cri s’élevait tout au long d’O’Connell Street :
    — Les lanciers !
    Les Volontaires n’ont eu que le temps de s’engouffrer dans le bâtiment. Un détachement de lanciers, au petit trot, s’avance vers la poste. Chevaux splendides. Ordre admirable. Chaque lancier tient bien droite une lance prolongée par une flamme de couleur vive. Est-on à la guerre ou à la parade ?
    À cent yards de la poste, les lanciers s’arrêtent. Le colonel qui les commande dégaine son sabre, se soulève sur sa selle :
    — Chargez !
    La redoutable colonne s’ébranle. Le galop succède au petit trot. Aux fenêtres, derrière les barrières de sacs et d’annuaires, les Volontaires pointent leurs fusils. Derrière eux, Connolly, très calme :
    — Ne tirez pas avant qu’on vous en donne l’ordre !
    Les lanciers dépassent la colonne de Nelson. Sans attendre l’ordre, un premier Volontaire tire. Puis un autre. Un autre encore : les premiers coups de feu de l’insurrection. Maintenant, tout le monde tire. Trois lanciers ont glissé de leur selle jusqu’aux pavés. Autour d’eux s’élargit une mare de sang. Un cheval s’abat. Un autre désarçonne son cavalier. À la parade, tout à coup, viennent de succéder la terreur et la mort. Un nouvel ordre du colonel :
    — En retraite !
    Quand ils ne voient plus que la croupe des chevaux qui s’éloignent, les Volontaires hurlent leur joie. Après seulement, ils s’aperçoivent que l’un des leurs a été tué et deux autres blessés.
     
    La foule, pendant l’affrontement, s’est mise à l’abri. Elle revient, plus nombreuse, semble-t-il. Toujours

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