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C'était le XXe siècle T.1

C'était le XXe siècle T.1

Titel: C'était le XXe siècle T.1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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français, a cru aussitôt que Moulia et ses deux compagnons n’étaient que l’avant-garde d’un effectif important. Aussitôt, les mains en l’air. Ecoutons encore Vincent Moulia :
    — Le Boche avait pas l’air particulièrement fanatique. Il nous a fait comprendre qu’un groupe d’officiers s’était réfugié dans une des arrière-salles de la casemate. Il nous y a conduits. Sans crier gare, on a débouché dans l’arrière-salle. On a trouvé un premier officier qui était en train de se raser. Il s’est rendu. Il montrait sa photo de famille : « Trois enfants, ne me tuez pas ! » Moi, j’ai envoyé le jeune demander du renfort. Bachacou et moi, on a fait irruption dans une casemate où sept autres officiers allemands s’étaient réunis pour manger un beau gâteau et boire du vin blanc. Ils se sont rendus à leur tour. Ils ont déposé leurs armes sur la table. On les a poussés vers le haut. Juste à ce moment arrivait l’escouade amenée par le jeune. Quand on est rentrés, avec nos prisonniers, le capitaine m’a dit : « Moulia, vous avez accompli une action d’éclat. » Bon, j’avais accompli une action d’éclat. Mais, Bachacou et moi, on est retournés à la casemate boche, on a bouffé le gâteau et on a bu le vin blanc !
    Le lendemain, le caporal Vincent Moulia est décoré de la croix de guerre sur le champ de bataille.
     
    Nul n’en pouvait plus douter : une défaite écrasante, l’offensive Nivelle. Le 21 avril, le front s’est stabilisé au nord de l’Aisne, de Laffaux à Braye-en-Laonnois. Le plateau de Craonne, pour lequel tant de camarades de Moulia étaient tombés, est toujours aux mains des Allemands. Que va faire Nivelle ? Au gouvernement, on estime qu’il faut, pour le moment, arrêter les frais. C’est l’avis du ministre de la Guerre, Paul Painlevé, qui se rend au G.Q.G., à Compiègne. Il trouve un Nivelle fatigué, mais décidé à poursuivre son offensive. Painlevé s’étonne :
    — Vous aviez déclaré que vous arrêteriez la bataille si le succès n’était pas obtenu dans les quarante-huit heures. Trois jours se sont écoulés et il ne se manifeste toujours aucun signe du succès que vous escomptiez. Ne vaudrait-il pas mieux cesser complètement l’offensive ?
    — Monsieur le Ministre, répond Nivelle, nous tenons entre nos mains le début d’une victoire. En persévérant contre nos objectifs immédiats, nous pouvons encore remporter cette victoire.
    Au cours des jours suivants, les assauts ont donc continué. Sans résultat. L’hécatombe prend des proportions effrayantes. Nivelle va-t-il faire massacrer toute l’armée française ?
    Convoqué à Paris, Nivelle doit s’expliquer à l’Élysée devant le président de la République, Poincaré, le président du Conseil, Ribot, et le ministre de la Guerre, Painlevé. Il sent peser sur lui plus que du scepticisme : de l’hostilité. Il n’en démord pas. L’offensive continuera. Le général Micheler adresse un rapport au général en chef : « Les tentatives faites pour s’emparer des hauteurs au nord de Craonne et des sommets de Sapigneul au mont Spin ont échoué. Notre avance vers le nord-est risque d’exposer nos flancs. En dehors des pertes considérables, la fatigue des troupes, accrue par le mauvais temps permanent, nous contraint de relever une grande partie des unités engagées. En conséquence, les réserves de troupes fraîches du groupe d’armées se limitent à quatre divisions d’infanterie…» Un véritable cri d’alarme. Après l’avoir reçu, Nivelle n’en écrit pas moins au général britannique Haig : « L’opération ne sera pas arrêtée. »
    L’enfer de Craonne. À la Chambre, le député Ybarnégaray – un homme de droite – va le dépeindre en termes bouleversants. Il sait ce dont il parle. Ce député est aussi officier d’infanterie et il a chargé à la tête de ses hommes. Il évoque le crépitement de milliers de mitrailleuses allemandes au moment de l’attaque. Le même cri angoissé des Français :
    — Les mitrailleuses ne sont pas détruites !
    La charge magnifique, malgré ce feu mortel. Le franchissement des premières lignes allemandes, parfois des secondes :
    — Alors se passe cette chose terrible : surgissant des crêtes de l’Aisne et frappant par-derrière les troupes qui avançaient, les mitrailleuses !… Je vois encore ces hommes – je les verrai toute ma vie – chasseurs, fantassins, coloniaux,

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