Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
Vom Netzwerk:
faiblir. Charles-Roux, secrétaire général des Affaires étrangères, ranime la volonté défaillante du vainqueur de Verdun : nommer Laval aux Affaires étrangères, c’est inutilement provoquer l’Angleterre. Baudouin restera ministre des Affaires étrangères. L’heure de Laval n’a pas encore sonné.
    Je me souviens. J’avais quatorze ans. Dans ce petit port de Bretagne où nous étions repliés, la radio rythmait notre vie et scandait nos angoisses. Soudain, le 17 juin, à l’heure du déjeuner, on annonça un message du maréchal Pétain. Ah ! comme nous avons écouté ! Le vieux soldat nous annonçait qu’il assumait la direction du gouvernement : « Sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur. »
    Nous écoutions toujours : « C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat. » Cesser le combat ! C’est sur ces mots que les larmes me sont venues. « Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. »
    À la même heure, des millions de Français ont pleuré. À la même heure, des régiments entiers ont mis bas les armes. « Il faut cesser le combat », avait dit le Maréchal. Erreur suprême. Certes, on avait demandé l’armistice mais, en attendant que les conditions nous soient connues, il était indispensable de continuer à se battre. Et si elles étaient inacceptables ? Très vite, à Bordeaux, on a compris la faute. Le texte remis à la presse a été rectifié. « Il faut cesser le combat » est devenu « Il faut tenter de cesser le combat. » Trop tard. Le mal était fait.
     
    La question qui domine tout – en attendant la réponse de l’Allemagne – reste celle du départ pour l’Afrique du Nord. Bientôt, les Allemands seront à Bordeaux. Le gouvernement risque de perdre sa liberté. Au gouvernement, deux tendances s’opposent : celle d’Albert Lebrun qui veut partir, celle du maréchal qui annonce que, si les pouvoirs publics partent, lui restera.
    Après une conférence entre le chef de l’État, le président du Conseil et les présidents des deux Chambres, Jeanneney et Herriot, on s’arrête à une transaction : le président de la République, les présidents des deux Chambres, les membres des deux Assemblées, la majorité des ministres s’embarqueront pour l’Afrique. Pétain, président du Conseil, restera en France avec les autres ministres. Le vice-président du Conseil, Chautemps, partira pour l’Afrique, muni d’une délégation de pouvoir qui, le cas échéant, lui permettra de gouverner.
    Le 19 juin, à 6 h 30 du matin, on apprend que les Allemands acceptent d’ouvrir les négociations d’armistice. À 9 heures, le Conseil des ministres décide que Lebrun embarquera en fin d’après-midi dans un port de la Méditerranée et que les parlementaires, eux, quitteront Bordeaux à bord du paquebot Massilia.
     
    Trois personnalités britanniques de premier plan surviennent alors à Bordeaux : Alexander, premier lord de l’Amirauté, sir Dudley Pound, amiral de la flotte, lord Lloyd, ministre des Colonies. Ils veulent obtenir la promesse que la France ne livrera pas la flotte à l’Allemagne. Les négociations durent toute la journée. Pétain, Darlan, Baudouin prennent l’engagement solennel que l’on sollicite d’eux. Du coup, le départ pour l’Afrique du Nord est retardé.
    Dans la nuit du 19 au 20 juin, des avions allemands bombardent Bordeaux. On apprend que la Wehrmacht progresse vers la ville à toute allure. Le jeudi 20, au matin, Lebrun, avec toute l’énergie dont il reste capable, déclare au Conseil des ministres qu’il faut partir dans la journée. Lui-même et les ministres s’embarqueront à Port-Vendres. Le Massilia , avec les parlementaires, appareillera en fin d’après-midi.
    Partir ? Aussitôt, Pierre Laval a discerné ce que ce départ pourrait présenter de périlleux pour les projets qu’il nourrit. Quelques coups de téléphone lui suffisent pour réunir une délégation de parlementaires. À 14 heures, il la conduit auprès du maréchal Pétain. La fermeté de l’Auvergnat frappe le vainqueur de Verdun :
    — Monsieur le maréchal, nous avons appris que le gouvernement pensait se transporter en Afrique du Nord. Nous tenons à vous dire

Weitere Kostenlose Bücher