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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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plancher et entraîne sa femme. Ils demeurent là, sur le sol, allongés, immobiles. Les balles sifflent au-dessus de leurs têtes. Trotski ne se méprend pas : de la fenêtre, c’est le lit qui est visé. On constatera que le matelas et les oreillers ont été traversés de part en part et que les murs, comme le plancher, sont criblés de balles.
    Trotski voit un homme en uniforme s’encadrer dans la porte et, longuement, arroser la pièce avec sa mitraillette et se retirer. Par miracle, ni Léon ni Nathalie ne sont touchés. Une jambe de Trotski est effleurée. Rien de grave.
    Le silence enfin. Un instant après, un bruit de moteurs. Deux voitures, semble-t-il. Elles s’éloignent.
     
    Dès 5 heures du matin, la police est là. Le colonel Salazar, chef du Service secret de la Direction de la police, s’est dérangé en personne. À peine arrivé devant la maison, il a abordé les policiers qui l’attendaient. Il est furieux, Salazar.
    — Enfin, vous étiez dix !
    — Mais eux, ils étaient vingt. Ils portaient des uniformes de la police et de l’armée. Nous, on a cru à des renforts. Quand ils nous ont mis les mitraillettes sur le ventre, il était trop tard.
    — Et les six gardes de Trotski ? Et la porte blindée ?
    — Les agresseurs ont sonné et on leur a ouvert.
    Une autre voiture. En descendent des agents du Service secret et les adjoints de Salazar. Une troisième voiture : celle du général José Manuel Nunez, chef de la police.
    Avant d’entrer, les visiteurs doivent exhiber leurs papiers. Ils pénètrent dans le jardin qui, diront-ils, leur, a semblé une oasis « avec ses grands arbres au feuillage épais, sa pelouse bien entretenue et ses massifs de fleurs  (83)  ».
    Au-devant de Salazar s’avancent, revolver à la main, les secrétaires-gardes du corps, des hommes jeunes. Une question angoissée de Salazar :
    — Trotski a-t-il été tué ?
    Aussitôt qu’une réponse négative lui a été donnée :
    — Y a-t-il quelqu’un de mort, de blessé dans la maison ?
    — Non. Personne.
    Étonnement du colonel : pas un mort malgré tous ces coups de feu !
    On conduit les visiteurs auprès de Trotski et de sa femme. Sur leur pyjama, ils ont passé une robe de chambre. Ce qui frappe les Mexicains, c’est l’extraordinaire sérénité du Vieux, égale à celle de ses gardes du corps. Sur le visage de Trotski, erre de l’ironie et de la moquerie. Les policiers le dépeindront petit mais robuste, le front haut, les cheveux blancs, la barbiche en pointe. Derrière les lunettes d’écaillé, des yeux clairs, vifs, scrutateurs.
    Même impassibilité chez Nathalie. Le beau visage est encadré de cheveux blond cendré, très fins. Certes, elle a vieilli, mais comment douter qu’elle ait été très belle ? Ce qui l’a marquée, ce n’est pas tant l’âge que les soucis et les angoisses  (84) .
    Trotski raconte ce qui s’est passé la nuit précédente :
    — Quand les coups de feu ont cessé, nous nous sommes aperçus qu’on avait placé une bombe incendiaire juste à la porte de communication qui se trouve entre notre chambre et celle de mon petit-fils… Il avait été surpris dans son sommeil, comme nous, par l’irruption des assaillants. Si inexplicable que cela paraisse, il est indemne, seulement égratigné au pied par le frôlement d’une balle. Cela tient sans doute à ce qu’il n’a pas perdu son sang-froid. Il s’est jeté à terre et caché sous son lit. Mes collaborateurs et mes gardiens sont alors accourus. Et nous avons pu constater que les portes n’avaient pas été forcées… Comment avait-on pu pénétrer dans la maison ? Nous sommes passés dans le vestibule et nous avons constaté la disparition de Robert Sheldon Harte, Bob comme nous l’appelions familièrement. Les assaillants l’ont sans doute enlevé.
    Pour Trotski, il ne fait pas de doute qu’on a voulu les tuer, lui et les siens. La bombe incendiaire devait anéantir ses archives.
    — Car nul n’ignore – et le NKVD moins que quiconque – que j’écris actuellement la biographie de Staline sur lequel je possède une documentation sans égale.
    Nouvelle question du colonel Salazar :
    — Soupçonnez-vous une personne ou un groupe d’avoir dirigé cet attentat ?
    La réponse du Vieux fuse, assurée et moqueuse :
    — Mais comment donc ! Bien sûr !
    Par le bras, il entraîne le colonel vers le clapier. Il se penche vers lui, baisse la voix :
    — L’auteur de

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