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C'était le XXe siècle T.2

C'était le XXe siècle T.2

Titel: C'était le XXe siècle T.2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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faudra faire appel aux socialistes, ceux du moins qui n’ont pas été pendus, emprisonnés ou exilés. La chose peut paraître un peu grosse mais, en politique, on a vu des revirements plus imprévisibles. Dans ce cas, Emil Fey se révélerait un obstacle de taille. Donc, sacrifions le massacreur de février.
    Cette subtilité va totalement échapper aux milieux de la Heimwehr , de l’armée et de la police. Total, le désarroi. Les nazis autrichiens le perçoivent parfaitement.
     
    Le 21 juillet, une agence photographique allemande diffuse le portrait de M. von Rintelen, avec cette mention : « Le nouveau chancelier d’Autriche. » Fausse manœuvre ou ballon d’essai ? Certes, Rintelen n’est pas nazi. Ancien ministre de l’Intérieur, évincé par Starhemberg, il est présentement ministre plénipotentiaire à Rome. Cependant, les nazis autrichiens sont persuadés que Rintelen, parvenu au pouvoir, leur sera favorable. Ils n’ont pas tort.
    À Vienne, la rumeur s’épaissit. On parle d’un avion qui, à Berlin, est tenu prêt pour assurer le transport triomphal du docteur Habicht à Vienne. Elle est si forte, cette rumeur, qu’elle parvient aux oreilles de l’ambassadeur de France à Berlin, André François-Poncet, qui informe aussitôt le Quai d’Orsay.
    Dollfuss est résolu à ne rien croire de tous ces bruits. Il se prépare à rejoindre à Riccione, en Italie, sa femme et ses enfants déjà partis en vacances et accueillis par Mussolini.
    Comment saurait-il que la nouvelle venue d’Allemagne n’est nullement imaginaire et que, le 16 juillet à Munich, une réunion secrète s’est tenue chez le docteur Habicht ? Sur la proposition du Standartenführer Glass, tous les Gauleiters autrichiens présents ont adopté un plan d’une incroyable audace : cent cinquante hommes, tous nazis autrichiens, revêtus de l’uniforme de l’armée fédérale, envahiront la chancellerie au cours d’une séance du Conseil des ministres. Ils feront prisonnier Dollfuss et ses ministres. Un autre groupe de quinze hommes s’emparera de la radio. Un troisième se rendra maître de la personne du président Miklas. Von Rintelen – il est d’accord – formera aussitôt le nouveau cabinet.
    Progressivement, tout s’est mis en place. Rintelen est arrivé à Vienne. L’action doit s’engager au matin du 24 juillet.
    Au dernier moment, le fameux grain de sable se glisse dans un plan si soigneusement mis au point. Le Conseil des ministres est remis de vingt-quatre heures. L’action du commando s’en trouve naturellement retardée d’autant.
    Ce délai va permettre à un certain Johann Dobler, un nazi peu sûr de lui, de se reprendre. À l’aube du 25 juillet, il confie au colonel Mayer qu’un coup d’État est imminent. Mayer avertit aussitôt Emil Fey. Logiquement, le major devrait alerter l’armée et la police. Il ne le fait pas. Son calcul est très simple : il s’estime à même de réprimer le putsch avec les seules unités de son Heimatschutz . Ainsi sera-t-il seul à recueillir les fruits de sa victoire. De 10 à 11 heures du matin, ce sont ces unités-là qu’il mobilise.
    Au même moment, cent cinquante-quatre conjurés nazis, réunis dans un gymnase à cinq cents mètres du palais de la chancellerie, achèvent de revêtir leurs faux uniformes et grimpent dans les camions qui les attendent.
     
    25 juillet, 11 heures. Comme prévu, sous la présidence de Dollfuss, le Conseil des ministres se réunit au palais. Les délibérations viennent à peine de commencer quand survient le major Fey. Il demande à parler à Dollfuss en particulier. Étonnement général.
    Dollfuss obtempère, suit le major qui lui annonce l’imminence d’un coup de force nazi. D’abord, Dollfuss ne veut pas y croire. Fey insiste. Le chancelier revient dans la salle du Conseil, s’adresse à ses ministres :
    — Je ne sais pas jusqu’à quel point ces rumeurs sont fondées, mais je trouve plus sage de lever la séance. Que chacun de vous regagne son ministère et y attende mes instructions. Je vous ferai savoir quand nous pourrons reprendre nos délibérations…
    Très alarmes, les ministres se retirent.
     
    12 h 30. Le téléphone sonne dans le cabinet de Dollfuss. Il décroche. C’est un policier qui annonce d’une voix haletante :
    — Des camions viennent de quitter le gymnase ! Il n’y a plus une minute à perdre.
    Karwinski, le ministre de l’Intérieur, resté auprès de Dollfuss, donne

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