C'était le XXe siècle T.2
tombeau, l’État fédératif volera fatalement en éclats. La Croatie s’émancipera. C’est ce qu’un oustachi apprend au premier jour de son adhésion.
Ralliement de taille : celui de Slavko Kvaternik qui descend d’Eugène I er , roi éphémère de Croatie au XIX e siècle. Slavko incarne – avec orgueil – une sorte de légitimité. D’ailleurs, il a appelé son propre fils Eugène. Celui-ci deviendra l’un des lieutenants du Poglavnik.
Ce qu’il importe de créer, c’est un climat. Durant les années 1931 et 1932, des bombes éclatent à toute occasion en Yougoslavie. En 1933, l’Oustacha s’enhardit. Venant de Hongrie, un détachement franchit la frontière yougoslave et tente de soulever la population. Il est repoussé par l’armée. Le gouvernement de Belgrade proteste avec force à Budapest. L’affaire est portée devant la Société des Nations où la plainte ne comportera pas de suites.
Cette année-là, Pavelitch se découvre un nouvel atout : en Allemagne, Hitler accède au pouvoir. Il l’a proclamé très haut dans Mein Kampf : il veut faire abolir le traité de Versailles et ses annexes. Chaque pays né de ces traités honnis apparaît à ses yeux comme une manière d’intolérable injure. La Yougoslavie est l’un de ces pays-là. Comment Pavelitch ne serait-il pas accueilli à Berlin à bras ouverts ? Rosenberg, théoricien du racisme, lui offre toutes facilités pour ouvrir un bureau dans la capitale allemande. Désormais, ayant pignon sur rue, le Poglavnik aura licence de constituer une manière de gouvernement en exil. Il crée une agence de presse, fonde deux journaux, l’un en croate, l’autre en allemand. Ces deux feuilles annoncent à longueur de colonnes qu’Alexandre est condamné à mort.
La date et le lieu sont même fixés. C’est le 11 décembre 1933 qu’Alexandre I er doit être assassiné à Zagreb. Les deux exécuteurs sont déjà désignés. Vlada le Chauffeur les a personnellement entraînés. Ce qui sauve Alexandre, c’est que le chef du camp de Janka Puszta, un certain Percec, a une maîtresse. Il la trompe. Jusque-là, rien que de banal, mais la maîtresse est jalouse. Elle vend la mèche à la police yougoslave. À peine les tueurs sont-ils arrivés à Zagreb que l’on met la main sur eux. Longuement torturés, ils avouent tout et révèlent que les Italiens et les Allemands financent l’Oustacha. Leur carrière s’achèvera au bout d’une corde.
Échec à Pavelitch. Le gouvernement yougoslave adresse une véhémente protestation à Rome et à Berlin. Une chose est d’agir dans l’ombre contre un pays que l’on n’aime pas, une autre est de l’admettre ouvertement. L’Allemagne comme l’Italie font machine arrière. Mussolini, feignant de découvrir que les Croates exilés ont abusé de son hospitalité, jure qu’il va supprimer les « colonies agricoles » où il les a reçus. Pavelitch est expulsé de Berlin. Ses journaux sont interdits. L’Oustacha est ramenée au niveau zéro.
Pas question cependant de renoncer à l’exécution de celui qu’Ante Pavelitch appelle : Alexandre le Dernier. Pour cela, les moyens – et les hommes – ne manquent pas.
Ante Pavelitch s’est livré à un raisonnement fort simple. Tuer Alexandre en Yougoslavie se révèle de plus en plus difficile. Or on annonce un voyage du roi en France. Pourquoi ne pas le frapper là ? Certes, la partie sera rude. Comme tous les souverains en visite, Alexandre sera protégé. L’aborder relèvera sans aucun doute de l’exploit mais les hommes de l’Oustacha, par définition, se sentent aptes à dépasser l’impossible. D’ailleurs, on fera donner l’as des as, Vlada le Chauffeur.
Cet étrange personnage a porté successivement les patronymes de Tchernozemsky, Velitchko, Dimitrov, Stoyanov, Suk, Kalemen. Les polices de plusieurs pays s’y sont perdues. On ne connaît de lui qu’un visage mongol au crâne rasé et aux luisantes pommettes, une bouche meublée de dents en or et, sur la joue, une longue cicatrice laissée par une balle. Plus tard, la police yougoslave affirmera connaître son identité réelle : Vladimir Dimitri Kerim, né le 18 octobre 1896 à Kamenica, Macédoine. Faute de mieux, c’est sous ce dernier patronyme que nous le désignerons.
Au tableau de chasse du tueur, il faut citer le meurtre d’un député bulgare communiste, Hadzimidov. Le 7 septembre 1928, Vlada a sauté sur le marchepied de son automobile et,
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