C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
Petiot. Résultat : Jean-Pierre Van Bever est condamné par défaut à un an de prison ferme et à 2 400 francs d’amende. On ne le reverra jamais.
Jeanne Gaul fera six mois de prison et paiera 2 400 francs d’amende. Quant à Petiot, il est condamné à 10 000 francs d’amende et à un an de prison avec sursis. Sur le conseil de son avocat, René Floriot, il fait appel mais déjà il a une nouvelle affaire sur les bras. À l’une de ses clientes, Raymonde Baudet, autre toxicomane, il a proposé une cure de désintoxication libre. En foi de quoi il a établi en sa faveur des ordonnances permettant de se procurer certaines doses d’héroïne. La cure est un échec : Raymonde Baudet a besoin de doses de plus en plus fortes. Pour ne pas attirer l’attention, Petiot rédige des ordonnances au nom de la mère de sa cliente, Mme Khait. Le jour vient où Raymonde Baudet manifeste de telles exigences que Petiot s’inquiète. Il prévient sa cliente qu’il ne pourra désormais y répondre.
Affolée, tenaillée par l’état de manque, aidée par son amant, Raymonde Baudet maquille une vieille ordonnance de Petiot. Sonéryl devient Chlorhydrate d’héroïne . La falsification apparaît si grossière au pharmacien qu’il refuse d’honorer l’ordonnance et prévient la police. Raymonde Baudet et son amant sont arrêtés. Raymonde avoue tout, mais jure que les ordonnances de Petiot n’ont eu d’autre but que de procurer de la drogue à sa mère, Mme Khait. Logiquement, la police va interroger celle-ci. Que dira-t-elle ?
Petiot n’oublie pas qu’il reste sous le coup d’une condamnation avec sursis. Reconnu coupable d’une nouvelle infraction, il risquerait non seulement de moisir de longs mois en prison, mais encourrait la radiation définitive de l’Ordre des médecins : au bout du compte, le déshonneur – ce qui lui est parfaitement égal – et surtout la ruine. Il devient donc essentiel pour lui de prendre contact avec Mme Khait. Il l’appelle au téléphone, lui demande un entretien immédiat. À son mari – il est 19 heures – elle annonce qu’elle sera là pour le dîner.
On ne la reverra jamais.
On perquisitionne chez le docteur Petiot. On ne trouve rien. La police ne s’est pas rendue rue Le Sueur. Dommage. Pour avoir fourni de la drogue dans l’affaire Baudet-Khait, Petiot sera condamné à 10 000 francs d’amende. Une fois encore, il fait appel. Grâce aux arguments de M e Floriot, les amendes dues par les deux affaires Van Bever et Baudet-Khait sont confondues et réduites à 12 000 francs. L’année d’emprisonnement devient une amende de 2 400 francs.
La police s’aperçoit-elle qu’une certaine Denise Hotin, femme d’un cultivateur de l’Oise, venue consulter le docteur Petiot, a disparu, elle aussi ?
Rue Le Sueur, on a surélevé le mur de la cour. Au rez-de-chaussée, Petiot a fait aménager un cabinet de consultation où se trouve un mobilier sommaire. Marcel Chevillon, qui y pénétrera le 10 mars 1944, se souviendra que « le cabinet de consultation avait plutôt l’aspect d’un taudis » : une table, quelques chaises et fauteuils, une bibliothèque vitrée, un classeur, le tout semblant provenir d’une brocante de banlieue.
Au sortir de ce bureau, un petit couloir permet d’accéder à un débarras triangulaire. À l’intérieur, une porte sans poignée. Au fond, une double porte ne pourra pas faire longtemps illusion : elle est plaquée au mur. Rien de plus – mais rien de moins. Si, pourtant : dans ce mur, s’ouvre un viseur.
En face de chez Petiot, rue Caumartin, habite le fourreur Guschinov. Un Israélite fort inquiet, à juste titre, du tour angoissant que prennent les persécutions contre les Juifs. Il se confie au bon docteur Petiot qui, sous le sceau du secret, lui révèle l’existence d’une filière permettant de rejoindre l’Amérique du Sud. Certes, cela coûte cher – 25 000 francs –, mais le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?
Guschinov est séduit. Une réserve, cependant :
— Et ma femme ?
— Elle vous rejoindra. Surtout, emportez des fonds. Là-bas, il faudra vivre.
Le fourreur se décide. Il réunit des peaux de zibeline, des bijoux, des montres, un collier de perles et 2 000 dollars. Selon les conseils du docteur, il a démarqué son linge.
Le 2 janvier 1944, Mme Guschinov accompagne son mari jusqu’à la rue Pergolèse, à deux pas de la rue Le Sueur.
Elle ne le reverra jamais.
Les
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