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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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morceaux de corps humains.
    C’est un peu plus tard, le 9 mars, que Mme Marçais, rue Le Sueur, verra s’élever, de la cheminée du 21, rue Le Sueur, cette fumée noire dont la « puanteur » va conduire à la découverte de l’entreprise monstrueuse. Il ne faut que quelques heures pour que le nom du docteur Petiot soit célèbre dans toute la France.
     
    L’enquête – que l’on peut prévoir difficile – est confiée au commissaire Massu, policier éminent. On recueille soigneusement les débris humains que recèle la cave, ceux que l’on a découverts dans un débarras et, dans une ancienne fosse d’aisance, ce qui subsiste d’un agglomérat de cadavres rongés par la chaux vive.
    Dès le premier instant, Massu et ses collègues se sont trouvés en face d’une énigme bien difficile à résoudre : comment Petiot opérait-il ? La présence du débarras et de son viseur a conduit à élaborer une théorie plausible : en prévision de voyages devant aboutir, selon lui, en Amérique du sud, le docteur devait proposer à ses victimes de les vacciner. En fait, c’est un poison qu’il leur administrait. Il leur conseillait ensuite de prendre quelques instants de repos et les conduisait dans le débarras dont il refermait la porte. Par le viseur il pouvait suivre les dernières étapes de leur agonie.
    C’est une autre version qu’a bien voulu me livrer le commissaire Arnal : « La perquisition rue Caumartin, dans le cabinet du médecin, avait amené la découverte d’un nombre très élevé d’ampoules de morphine, tout à fait disproportionné avec l’activité d’un généraliste. Petiot prévenait ses “clients” qu’il leur administrerait un vaccin pour les services de l’immigration. Le juge Gollety  (119) , Massu et moi-même avons toujours pensé qu’au lieu d’un vaccin, Petiot leur inoculait une très forte dose de morphine. Les victimes allaient s’installer dans le cabinet triangulaire où le docteur surveillait la suite à l’aide de son périscope. Ou bien la victime mourait de cette overdose, ou bien elle survivait d’une façon crépusculaire et il n’est pas impossible de penser que, dans ce cas, Petiot venait les achever lui-même. Peut-être les suspendait-il aux solides crochets fixés dans les murs à l’aide des cordes qu’on a trouvées sur place. Le rapport des psychiatres parle d’un être “amoral et parfaitement insensible  (120) ”. »
    Chez Petiot, rue Caumartin, les enquêteurs ne trouveront que sa femme, bouleversée par ce qu’on lui révèle. Sa sincérité apparaît totale. On ne l’arrêtera que le jour où elle voudra prendre la fuite. À Courson-les-Carrières, chez Neuhausen, l’ami de Petiot, on trouve cinquante valises et 655 kilos d’objets divers : 90 robes, 28 complets d’homme, 57 paires de chaussettes, 120 jupes, 26 sacs à main, une culotte de pyjama d’enfant. Comment, par ce dernier détail, ne pas évoquer le petit garçon des Kneller, René, entré vivant rue Le Sueur avec ses parents – et jamais reparu ? D’ailleurs, la marraine du petit René reconnaîtra ce pyjama. De même, une collègue de Paulette la Chinoise – l’une des femmes d’Adrien le Basque – identifiera un très beau fourreau de satin noir qui a appartenu à son amie.
    On arrête le frère de Petiot. On arrête les Neuhausen qui protestent de leur innocence, jurent que Petiot a déposé là ces valises sans leur demander aucune permission. En revanche, on a la preuve que Maurice Petiot a transporté, rue Le Sueur, 400 kilos de chaux vive. À-t-il vu les cadavres ? Nézondet affirme que oui. Maurice Petiot jure que non.
    Dans cette France de 1944 qui vit dans l’attente du débarquement, on ne parle que de Petiot. Les journaux de la collaboration lui consacrent chaque jour de longs articles, ce qui est loin d’être innocent : mieux vaut s’étendre sur un fait divers atroce mais alléchant que sur les défaites allemandes. Radio-Paris « révèle » que Petiot a rejoint les maquis de Haute-Savoie où il est devenu médecin-major. Information parfaitement imaginaire qui se situe dans le cadre d’une propagande délibérée.
    Lui, dans la clandestinité où il a plongé, n’a pas perdu cet humour grinçant qui a toujours frappé ses amis. Le commissaire Massu reçoit de lui un message qui ne porte que ces mots :
    « Il court, il court, le Petiot…»
     
    Que s’est-il passé entre le 11 mars au soir et le 31 octobre 1944, jour où

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