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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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semaines passent. Sans nouvelles, Mme Guschinov tremble. Elle vient s’informer auprès de Petiot. Quelle chance ! Il vient de recevoir une lettre du fourreur. Il la lui remet tout en insistant sur son caractère rassurant : son mari vient d’arriver à Buenos Aires, il est descendu dans un hôtel dont le docteur précise le nom et l’adresse. Le mieux ne serait-il pas que Mme Guschinov rejoigne son mari ? Elle s’y refuse.
    Un peu plus tard, appelé en consultation dans le quartier de l’Étoile, le docteur Braunberger – autre Juif – ne reparaît pas chez lui. Il adressera lui aussi un message – rassurant – à un ami ainsi que trois pneumatiques à sa femme, annonçant son départ pour la zone libre et l’invitant formellement à le rejoindre, non sans avoir procédé au déménagement de leur appartement et fait porter tout ce qu’il contient rue Le Sueur. On ne reverra jamais le docteur Braunberger.
    L’important, pour Petiot, est qu’il a testé le pouvoir d’attraction de sa « filière d’évasion ». Le triste Paris de l’Occupation regorge de gens pourchassés ou sur le point de l’être : une clientèle potentielle inestimable : Persuader des gens traqués de rassembler ce qu’ils ont de plus précieux et leur fixer rendez-vous pour le grand départ : pour Petiot, c’est un jeu d’enfant. La suite le regarde.
    Dès lors qu’il veut passer de l’artisanat à la grande industrie, il lui faudra trouver des rabatteurs. Travailleront donc pour lui Roland Porchon, fabricant de meubles ; Ériane Kahan, Roumaine de quarante-huit ans ; Fourrier, posticheur rue des Mathurins ; Pinthard, dit Francinet, ancien chanteur de caf’conc’ et maquilleur de cinéma. À tous il a confié la « vérité » : il a les moyens de faire passer des gens en Amérique du Sud. Que les rabatteurs aient cru de bonne foi œuvrer pour une noble cause, voilà qui se révélera capital pour Petiot.
    L’entreprise est prête à fonctionner. Les premiers « clients » présentés par Francinet sont des hommes du milieu : Joseph Réocreux, dit Jo le Boxeur ; Albertini, dit François le Corse ; Piereschi Dionisi, dit Zé ; Adrien Ebestebeteguy, dit le Basque. Accompagnés de leurs « femmes » – trois pour Jo le Boxeur – ils vont se rendre rue Le Sueur par groupes. Le Basque est d’autant : plus pressé de quitter la France que, pilier de la rue Lauriston, il a été renvoyé par Lafont comme « indélicat ». Dans ces sortes d’affaires, il importe de prendre du champ au plus vite.
    On ne reverra aucun des truands qui se sont livrés, pleins de confiance, au docteur Eugène – tel est le nom par lequel désormais Petiot veut être désigné. Chacun avait apporté rue Le Sueur le viatique vivement conseillé par le maître des lieux : une fortune en or et en bijoux.
    On ne reverra pas davantage les Kneller, Juifs allemands : le mari, l’épouse et le petit René, leur fils. On ne reverra plus la famille Wolff : trois personnes. Pas plus qu’un couple de Juifs hollandais, les Basch, et leurs parents : quatre personnes.
    Ériane Kahan recrute de son côté : c’est un décorateur, M. Cadoret, qu’elle envoie rue Le Sueur. Ce dernier, au contact du docteur Eugène, sent naître de la méfiance. Il lui trouve les mains sales, ce qui, chez un médecin, lui semble bizarre. Qui plus est, questionné sur l’itinéraire exact que l’exilé volontaire aura à parcourir, Petiot s’est montré incapable de répondre avec la précision souhaitée. Le décorateur renonce. Il aura la vie sauve.
     
    Dans les bars du Paris de l’Occupation, on parle trop de la filière du docteur Eugène pour que la police allemande ne s’y intéresse pas d’un peu prés. Deux services vont se mettre en chasse : ceux que dirigent respectivement le commissaire Yodkum et le docteur Berger. Qui est donc ce docteur Eugène que l’on ne connaît que par ses rabatteurs ? Pour le savoir, on va utiliser une technique aussi ancienne que la police elle-même : on lui enverra un « mouton ».
    Comble du raffinement, on choisit un jeune Juif, en instance de déportation, que l’on oblige à jouer le rôle d’un client éventuel. Un contact le conduit à Fourrier, le posticheur, qui lui obtient, à la nuit tombée, un rendez-vous place de la Concorde avec le docteur Eugène. Tout fonctionne à merveille, à cela près que Petiot n’est pas tombé de la dernière pluie. Il s’aperçoit vite que le

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