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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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pipe – et surtout modèle d’équilibre.
    Quand Tibbets fut convoqué à Colorado Springs et qu’il s’entendit révéler le secret de sa désignation, il ressentit, confiera-t-il, l’impression « qu’on venait soudain de l’arracher à une planète pour l’introduire dans une autre ».
    Le jour vint, à la fin d’avril 1945, où Tibbets et ses hommes, dans le plus grand secret, quittèrent les États-Unis pour le Pacifique. Plus précisément pour une île des Mariannes, Tinian. C’est sur cette plate-forme de corail, large de 10 km, longue de 20 km, que le 509 e groupe allait trouver sa base. Les pilotes de Tibbets disposaient de quinze B-29 modifiés. Prêts au service.
     
    Le 16 juillet 1945, à San Francisco, l’ Indianopolis , croiseur lourd, lève l’ancre à destination de Tinian. Il transporte l’enveloppe métallique prévue pour Little Boy ainsi qu’un cylindre en plomb de 45 cm de diamètre et de 60 cm de hauteur contenant un morceau d’uranium 235.
    Le 26 juillet, l’ Indianopolis jette l’ancre devant Tinian. Little Boy et son uranium sont arrivés à bon port.
    Les dernières instructions d’Oppenheimer : la bombe sera lancée à vue. Ayant atteint l’objectif, le B-29 de Tibbets sera encadré par deux autres appareils du même type, l’un chargé de techniciens qui mesureront la puissance de l’explosion, l’autre de photographes et cinéastes.
    Pendant plusieurs jours, les B-29 du groupe mixte s’en vont survoler le Japon. Chacun lance une unique bombe – tactique à laquelle, naturellement, les Japonais ne comprennent rien. Le 2 août, la date du bombardement atomique est fixée au 6 du même mois.
    Le 4 août, Tibbets et son équipage décollent pour un vol d’essai de bombardement simulé. L’appareil s’élève jusqu’à 10 000 mètres. Tibbets vole pendant quatre minutes en ligne droite, largue sa bombe postiche et – aussitôt – vire brusquement en piqué pour s’éloigner en sens inverse. Telle est la manœuvre qui lui a été prescrite. Il importe essentiellement que l’appareil se trouve le plus loin possible du lieu où la bombe – la vraie – explosera.
    Le 5 août est un dimanche. Après le service religieux auquel il assiste avec ses hommes, Tibbets s’avise que son appareil ne porte pas de nom, mais seulement le numéro réglementaire. Tibbets fait plus qu’aimer sa mère, il la vénère. Se souvenant de son nom de jeune fille, il décide de baptiser l’appareil Enola Gay .
    Pendant ce temps, une nuée de techniciens s’affairent auprès de Little Boy . En fin d’après-midi, la bombe A est opérationnelle. Pour la première fois, la matière fissile y a été fixée, dira Oppenheimer, « comme un petit diamant caché au milieu d’une énorme masse de coton ».
    Une grue soulève Little Boy , le place sur un chariot qu’un tracteur entraîne bientôt vers le terrain où l’attend l’ Enola Gay . Sur les marchepieds, veillent un capitaine et sept policiers militaires. Tout autour, roulent des véhicules remplis d’hommes armés. Un kilomètre plus loin une fosse a été aménagée. On y descend la bombe de cinq tonnes. Doucement, précautionneusement, l’ Enola Gay vient se placer sur cette fosse. Sous son ventre, une trappe s’ouvre. Little Boy est hissé dans la soute qui l’attend pour y être solidement fixé.
    À 23 heures, dans la salle de conférences, Tibbets s’adresse à la centaine d’hommes qui ont été convoqués. Pour la première fois, il leur dit la vérité :
    — Nous allons exécuter une mission qui consiste à lâcher sur l’ennemi une seule bombe, totalement différente de celles que vous avez vues et dont on vous a parlé jusqu’ici. Elle a une puissance destructrice équivalant à celle de 20 000 tonnes de TNT.
    Palpable, l’émotion. Sur l’estrade, l’aumônier du 509 e groupe mixte, un luthérien, prononce une courte mais ardente prière.
     
    6 août 1945,1 h 37, les trois avions météorologiques décollent. Parmi eux, le Straight Flush piloté par le major Claude Eatherly qui ne sait pas encore qu’il vole vers son propre destin.
     
    6 août, 2 h 45. L’équipage de l’ Enola Gay gagne l’appareil. Tous les hommes sont revêtus de leur combinaison de vol. Tibbets, Lewis et Ferebee ont coiffé des casquettes de cricket. Le mitrailleur de queue Caron porte un casque de rugbyman. Les autres ont préféré arborer leur calot : le capitaine Van Kirk, navigateur ; le sergent

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