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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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Duzendury, chef mécanicien ; le sergent Shumard, adjoint du précédent ; le sergent Stiborik, au radar ; le caporal Nelson, radio du bord. En outre, trois passagers « spéciaux », des techniciens hors ligne : Parsons qui, au dernier moment, amorcera la bombe, Jeppson chargé du contrôle électronique et Jake Beser qui détectera les radars ennemis. En tout, douze hommes.
    Un ordre de la tour :
    — Vous pouvez décoller !
    L’ Enola Gay s’élance sur la piste. Il prend peu à peu de la vitesse mais le B-29 est lourd, trop lourd. Trempés de sueur, Tibbets et Lewis voient se rapprocher à toute vitesse l’extrémité de la piste. On roule à 80 m/seconde. On ne décolle toujours pas ! Avec la bombe de 5 tonnes et les 26 500 litres d’essence, la surcharge au décollage dépasse 7 tonnes.
    Lewis n’a jamais oublié ce qu’il a pensé alors : « Nous n’y arriverons pas. Nous devrions déjà être en l’air. Il ne reste plus assez de piste. »
    De toutes ses forces, il tire le manche à balai en arrière. À quelques mètres de l’extrémité de la piste, le nez de l’appareil se lève enfin. On décolle.
     
    À 7 h 30, à bord du Straight Flush , constatant sur Hiroshima une visibilité favorable, le major Claude Eatherly transmet à l’ Enola Gay le message qui signifie que la voie est libre.
     
    À Hiroshima, les habitants qui s’éveillent prévoient une journée caniculaire. À plusieurs reprises, ils ont été réveillés par des alertes : monnaie courante dans le Japon de ce temps-là. Chaque nuit, chaque jour, des appareils ennemis déversent des tonnes de bombes sur les villes, les arsenaux, les installations industrielles, les voies ferrées, les routes. Aucune région, aucune cité épargnée. Si, Kyôto. Mais Kyôto est une ville sainte. Et une autre ville : Hiroshima. Là, les Japonais ne comprennent pas. Pourquoi évite-t-on Hiroshima ? Certains vont jusqu’à raconter que la mère de Truman se trouve dans la ville. Ce qui bien sûr est faux. Ils ne sauront que plus tard – ceux du moins qui survivront – que c’est parce que Hiroshima était intacte que la ville a été choisie.
    En août 1945 Hiroshima compte 245 000 habitants. Comme partout au Japon, l’existence est difficile. Les jeunes, les hommes valides sont partis se battre. On manque de tout, d’électricité, de gaz, de ravitaillement. On s’attend, pour un jour prochain, au débarquement américain. Sans cesse, la radio exhorte les Japonais à se préparer pour, le moment venu, rejeter l’envahisseur à la mer. Avec quelles armes résistera-t-on ? Avec quelles munitions ? La plupart des hommes des milices civiles ne sont armés que de bâtons.
    Dans les rues de la ville, les piétons et les cyclistes s’acheminent vers leur travail. Presque pas de voitures ni de camions : le Japon manque tragiquement de pétrole.
    À 7 h 09 – heure locale – les sirènes retentissent. On a repéré, au-dessus de la ville, un avion. Ceux qui lèvent la tête peuvent reconnaître un avion météo. Ce n’est pas dangereux, un avion météo. Nul ne s’inquiète. Comment sauraient-ils qu’il s’agit du Straight Flush du major Eatherly ? Et que cet avion-là devrait les inquiéter bien plus que n’importe quel avion de combat ?
    À 8 heures, la sirène d’alerte hurle de nouveau. On repère deux appareils volant à haute altitude. Un peu plus tard, le guetteur signale un troisième avion, à une certaine distance des deux premiers.
    Ce troisième appareil, comme les deux autres, est un B-29. Il a pour nom Enola Gay .
     
    L’heure locale d’Hiroshima, 8 heures, correspond à 9 heures, heure de Tinian. L’ Enola Gay a tenu son horaire.
    À l’heure fixée, la bombe a été amorcée. Le moment est venu.
    À l’adresse de Ferebee, Tibbets lance :
    — À vous de jouer, maintenant.
    Tom Ferebee rive son œil au collimateur. À 9 h 14 mn 17 s, en plein dans la mire, le milieu d’un pont se détache : c’est l’objectif qui lui a été désigné sur photo. Il hurle :
    — Je le tiens !
    Il déclenche le système automatique. Si tout se passe bien, la bombe sera larguée dans 60 secondes.
    45 secondes plus tard, la radio transmet un signal sonore. Il signifie que la bombe sera lâchée dans 15 secondes. Tous les hommes de l’ Enola Gay  – mais aussi ceux des deux autres B-29 – entendent ce signal. Comme on le leur a prescrit, ils baissent sur leurs yeux d’épaisses lunettes

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