C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
suivante :
a) Pour les personnes qui se trouvent dans les camps de prisonniers de guerre – en utilisant les documents présentés par la Direction pour les prisonniers de guerre du NKVD de l’URSS.
b) Pour les personnes arrêtées – en utilisant les documents des dossiers présentés par les NKVD de l’Ukraine et de la Biélorussie.
« III. Confier l’examen des dossiers et l’exécution de la décision à la troïka composée des camarades Merkulov, Kabulov et Bachtakov.
« Signé : Secrétaire du Comité central.
« J.Staline. »
L’histoire se doit d’ajouter que les 26 000 que l’on a condamnés d’un trait de plume – jamais l’expression ne s’est révélée aussi juste – représentaient une part importante de l’élite polonaise. La nouvelle Pologne à laquelle pensait déjà Staline ne devait avoir d’élite que celle qu’il lui préparait.
Tournera-t-on un jour le film du mensonge ? On y verrait Staline recevoir, dans son bureau du Kremlin, l’ambassadeur polonais, le commandant de l’Armée polonaise, le chef de l’État polonais. Un gros plan mettrait en valeur ses petits yeux rusés, sa grosse moustache et l’étonnement « sincère » avec lequel il répondait à ses interlocuteurs : tous les prisonniers polonais n’auraient donc pas été libérés ?
En plan général, on le verrait alors, sous le regard anxieux de ses visiteurs, glissant sur ses bottes de cuir souple pour aller téléphoner. Plan rapproché : Joseph ne parvient pas à se servir de l’appareil, il faut que Molotov lui montre.
Gros plan de nouveau : Staline appelle le NKVD, s’inquiète du sort des prisonniers. Il revient, pensif, vers ses hôtes : tout cela sera éclairci, la guerre a causé tant de désordres. Au fait, ils se sont peut-être évadés, ces officiers. Et s’ils étaient en Mandchourie ?
Gros plan sur Molotov qui, enchanté, approuve vigoureusement : la Mandchourie, rien n’est plus sûr !
Dans ce film, on verrait passer tous les grands de l’ère stalinienne, ceux dont la presse occidentale a commenté si longtemps les hauts faits et diffusé l’image. Tous ils ont eu leur part du crime. Pour mentir, il leur a suffi de prendre exemple sur leur maître.
La perspicacité du spectateur du film pourra même s’exercer : lequel a le mieux menti ? Lequel a le mieux trahi l’idéal des vieux bolcheviks ? Lequel, pour agir ainsi, a le plus méprisé l’espèce humaine ?
Une photo de 1939. Sur des chevaux superbes, des cavaliers polonais en uniforme, éclatant de jeunesse. Ils sont beaux, leur regard brille. Derrière leur drapeau, ils s’apprêtent à partir en guerre pour défendre la Pologne.
Qui pourrait croire que le destin de 26 000 Polonais comme eux s’achèverait au fond de provinces russes dont nul ne saurait le nom, à moins que ce soit dans les glaces de l’Arctique ou encore, un jour de printemps, la tête éclatée par une balle tirée à bout portant – à Katyn ?
II
Mers el-Kébir
« Finissez-en avant la nuit ! »
3 juillet 1940
Pas un souffle d’air sur Mers el-Kébir. Séparée de la ville d’Oran par une crête, dominée par l’arc abrupt et noir d’une montagne, le djebel Murdjadjo, la rade – six kilomètres de côte en eau profonde – ressemble à un lac. Au-delà, une Méditerranée sans ride.
À 6 h 45 du matin, le 3 juillet 1940, tout annonce une journée torride. Impossible d’en douter : la chaleur ne laissera aucun répit aux équipages des bateaux de guerre français alignés là, le long d’une digue, quasiment bord à bord. Certes, les « manches » sont censés apporter quelque fraîcheur dans les entreponts, mais quel résultat peut-on attendre quand l’air aspiré à l’extérieur est en soi brûlant ?
Dès les premières lueurs de l’aube, la vie a repris sur les navires. Hamac sur l’épaule, des hommes passent sans hâte sur les ponts. Munis de leur gamelle et de leur boule de pain, d’autres s’engagent dans les échelles des postes. Comme chaque matin, les matelots-chauffeurs des contre-torpilleurs commencent à enduire de chaux les capots de toile des cheminées. Une journée comme les autres ? Chacun le pense. Il y a plus de deux mois que l’escadre s’est immobilisée à Mers el-Kébir. Depuis, on attend.
Très tôt, après une sonnerie de clairon, on a vu les hommes autorisés à débarquer pour la journée descendre, guêtrés de blanc, dans les chaloupes. À
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