C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue
culpabilité ?
Il faudra attendre, le 13 avril 1990, une visite officielle à Moscou du président Jaruzelski pour qu’une déclaration officielle de l’agence Tass reconnaisse enfin : « Les archives qui ont été retrouvées permettent de conclure à la responsabilité directe, pour les atrocités commises dans la forêt de Katyn, de Beria, Merkulov et leurs subordonnés. La partie soviétique, en exprimant son profond regret concernant la tragédie de katyn, déclare qu’elle représente un des plus grands crimes du stalinisme. »
À peine la nouvelle connue, une intense émotion se lève à travers toute la Pologne. Ce n’est pas à proprement parler de la joie – la mémoire des victimes domine tout – mais quelque chose qui ressemble à un immense soulagement. Dans un communiqué officiel, le gouvernement polonais souligne que le mutisme de l’URSS sur Katyn représentait l’obstacle principal à des relations fondées sur « le partenariat et l’amitié réelle ».
On attend, en Pologne, que soient désignés les responsables et que soient précisés les détails de l’enchaînement fatal. À l’avance, on répudie l’affirmation dont ont tant abusé les Soviétiques : les documents feraient malheureusement défaut. Grâce aux brassées de documents nouvellement publiées, on a la preuve que le KGB a fourni à Nikita Khrouchtchev un décompte précis des Polonais fusillés en 1941. Selon le rapport que Chelebine, chef du KGB, a adressé au premier secrétaire du parti, les dossiers concernant ces opérations se trouvaient alors dans une pièce scellée du quartier général du KGB. Ils n’étaient communiqués à personne : « Ils ne présentent pas d’intérêt pratique pour les organes [du KGB] et n’ont pas de valeur historique. » Leurs révélations « pourraient entraîner des conséquences indésirables pour notre État ». En conclusion, Chelebine proposait à Khrouchtchev de détruire tous les dossiers, à l’exception des procès verbaux des réunions de la troïka du NKVD qui avait, en 1940, « jugé » les Polonais : « Ces documents ne représentent pas un volume considérable et on peut les garder dans un dossier spécial ». Comment douter de l’existence de ce dossier spécial ? Il faut l’ouvrir.
On espère tout de celui qui exerce maintenant le pouvoir suprême à Moscou : Boris Eltsine. On a raison : Rudolf Pikhoïa, chef des Archives auprès du Conseil des ministres russe, apporte à Lech Walesa, nouveau président polonais, le texte de la décision du bureau politique du parti communiste soviétique, signé par Staline le 5 mars 1940. Le 14 octobre 1992, le gouvernement polonais rend public ce qui n’est rien d’autre qu’un ordre d’assassinat. La presse annonce que Walesa, « visiblement ému », a remercié Eltsine pour le « courage » dont il a fait preuve en publiant ces documents, ce qui lève le problème politique entre Polonais et Russes.
Les documents remis comportent deux parties, aussi accablantes l’une que l’autre. D’abord le rapport de Beria à Staline proposant et motivant la décision d’exterminer vingt-six mille Polonais prisonniers. Ensuite, l’ordre signé par Staline lui-même.
Le rapport de Lavrenti Beria, chef du NKVD, est composé de quatre feuillets et porte la mention ultra-secret . Chaque paragraphe mérite d’être longuement pesé :
« Au camarade Staline.
« Un grand nombre d’anciens officiers de l’armée polonaise, d’anciens fonctionnaires de la police et des services de renseignement polonais, de membres des partis nationalistes contre-révolutionnaires, de membres d’organisations d’opposition contre-révolutionnaires dûment démasqués, de transfuges et autres, tous ennemis jurés du pouvoir soviétique, pleins de haine contre le système soviétique, sont actuellement détenus dans des camps de prisonniers de guerre du NKVD de l’URSS et dans des prisons situées dans les régions occidentales d’Ukraine et de Biélorussie.
« Les officiers de l’armée et de la police prisonniers dans les camps tentent de poursuivre leurs activités contre-révolutionnaires et entretiennent une agitation anti-soviétique. Chacun d’entre eux n’attend que sa libération pour entrer activement en lutte contre le pouvoir soviétique.
« Les organes du NKVD dans les régions occidentales d’Ukraine et de Biélorussie ont découvert bon nombre d’organisations rebelles
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