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C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue

Titel: C’était le XXe siècle T.3. La guerre absolue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Decaux
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coupables de ce dont on les accuse  (24) .
    Le moment est venu pour les Soviétiques de faire appeler les trois témoins dont le tribunal a autorisé l’audition : le professeur Prozorovsky, l’un des experts de la Commission d’enquête de 1944, se borne à confirmer les conclusions qu’il a été appelé à signer. Lui succède le professeur Bazilevsky, directeur de l’Observatoire de Smolensk, qui a déjà déposé devant la Commission de 1944. Le lecteur ne s’étonnera pas d’apprendre qu’il a développé à Nuremberg les mêmes conclusions. Quant au troisième témoin, ce n’est autre que notre vieille connaissance, le docteur bulgare Markov, qui, selon que son pays était dominé par Hitler ou Staline, a successivement démontré avec autant de conviction qu’il s’agissait d’un crime soviétique, puis hitlérien. Dûment préparé comme on sait, il répète avec force que les prétendus examens scientifiques de 1943 ne représentent qu’une comédie dérisoire. La culpabilité allemande ne fait aucun doute.
    Après la fin des auditions, l’un des avocats des accusés osera poser cette question :
    — Puis-je me permettre de demander au ministère public qui est tenu pour responsable du crime de Katyn ?
    — Je n’ai pas l’intention de répondre à des questions de ce genre, rétorquera le président.
    Le chef d’accusation du massacre de Katyn sera retiré. Il ne figure pas dans le verdict qui, le 30 septembre 1946, sera rendu.
     
    À Moscou, le dogme ne subit aucune altération. Pas même après la mort de Staline. Katyn est toujours un crime hitlérien.
    S’il est un pays où l’on réclame à grands cris que la vérité soit proclamée, c’est bien la Pologne. Sous le régime communiste, l’immense majorité des Polonais se déclare convaincue que la mort des officiers doit être imputée aux Soviétiques. Comment les familles de ceux qui ont disparu oublieraient-elles qu’un père, un mari, un fils leur a écrit jusqu’en avril 1940 et pas au-delà ? Depuis – jamais – on n’en a reçu de nouvelles.
    Après les révélations de Khrouchtchev sur Staline, des officiers polonais estiment que le moment est venu d’aborder ouvertement le problème de Katyn. Initiative prématurée. Le parti communiste polonais réagit brutalement : plus de cinq cents officiers sont exclus du parti. En 1965, le président Gomulka doit intervenir personnellement afin que l’on mette fin – au moins pour un temps – au débat. Il renaît sans cesse de ses cendres : c’est en Pologne, sous le signe de Jean-Paul II, de Lech Walesa et de Solidarité que va prendre naissance le grand mouvement d’émancipation de l’Est européen. Des millions de Polonais attendent que soit enfin répondu à l’angoisse qui les tenaille depuis tant d’années.
    Le 8 mars 1988, alors que le syndicat Solidarité dissous est entré dans la clandestinité, cinquante-neuf intellectuels polonais lancent, avec Walesa, un appel à leurs collègues soviétiques connus pour être rénovateurs  (25) . Ils leur demandent « d’intervenir publiquement » afin que « le massacre perpétré par les bourreaux de Staline et de Beria et les mensonges dont a été plus tard entouré ce crime » soient dévoilés. Le 10 mars, le député Bender s’écrie à la tribune de la Diète polonaise : « Devant cette Chambre, le mot Katyn doit être prononcé. L’honneur de la nation polonaise l’exige, ainsi que son martyre pendant la dernière guerre. » Le 11 mai, la soviétique Literaturjana Gazeta reconnaît, pour la première fois en URSS, que la version soviétique de l’affaire de Katyn est contestée.
    Le 25 juin, devant une foule énorme réunie à Kiev pour célébrer le millénaire de la Russie, le cardinal Glemp, primat de Pologne, s’écrie : « Il faut faire la lumière au plus vite sur Katyn et y planter une croix, car des hommes y reposent ! » À cette proposition, Moscou donne un écho favorable. Le 2 septembre, on célèbre une première messe solennelle de requiem à Katyn.
    Dès lors, chacun sent que l’on s’achemine, au moins du côté polonais, à une reconnaissance officielle de la vérité. Le 7 mars 1989, au cours d’une conférence de presse à laquelle ont été convoqués les médias nationaux et internationaux, le porte-parole du gouvernement polonais déclare : « Tout indique que le massacre de Katyn a été perpétré par le NKVD. »
    L’URSS va-t-elle admettre sa

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